Restauration - Château

La chapelle de Versailles retrouve tout son éclat

Par Sindbad Hammache · Le Journal des Arts

Le 26 janvier 2021 - 1071 mots

VERSAILLES

Se dévoilant peu à peu avant son achèvement prévu à la fin du printemps, la restauration de la chapelle royale du château de Versailles procède de quelques partis pris forts, en particulier concernant les sculptures.

Toiture restaurée de la Chapelle royale du château de Versailles. © Thomas Garnier
Toiture restaurée de la Chapelle royale du château de Versailles.
© Thomas Garnier

Versailles. Grise comme un toit parisien trois ans auparavant, la chapelle royale du château de Versailles est sortie de sa bâche pour Noël, toute couverte d’or. « Un beau cadeau dans la morosité ambiante !, se réjouit Frédéric Didier, architecte en chef des Monuments historiques chargé du château, mais surtout l’aboutissement d’années de réflexions et d’efforts. » Entamés à la fin de l’année 2017, les travaux de restauration livrent peu à peu un résultat spectaculaire, dans la lignée de la restauration de la cour de Marbre ou de l’installation de la grille royale.

Si l’or appliqué sur les plombs de la toiture et l’armature des baies happe le regard des rares promeneurs autour du château en ce début janvier, la restauration porte sur l’ensemble des parements extérieurs de l’édifice, ses décors, sa statuaire, ainsi que sur les entrailles invisibles de sa toiture. « Lorsque je suis arrivé à Versailles, Jean-Pierre Babelon [ancien directeur du château] m’avait dit qu’il y avait une urgence : la chapelle », se souvient Frédéric Didier. Trente ans plus tard, le chef-d’œuvre de Jules Hardouin-Mansart reçoit les dernières attentions, avant une inauguration programmée à la fin du printemps.

Revenir à l’état « Ancien Régime » originel

Plus coûteux encore que la restauration de la galerie des Glaces, le chantier est financé grâce à un mécénat anonyme… et bienvenu, car les travaux n’auraient pu être divisés en tranche, et devaient se tenir d’une traite : « un Himalaya » selon l’architecte des Monuments historiques. À elles seules, les installations du chantier ont ainsi englouti 2 millions d’euros sur les 18 affectés à la restauration : mieux valait donc faire les travaux en une fois.

L’objectif affiché de cette restauration est de redonner à la chapelle son aspect originel, avec pour référent le dernier état « Ancien Régime » de 1789, maître étalon des interventions réalisées au cours des dernières décennies. La chapelle, édifiée à la fin du règne de Louis XIV par Mansart, est restée quasi inchangée en trois siècles. Une grande restauration menée par l’architecte des bâtiments civils de Versailles Charles Questel, de 1875 à 1878, était jusqu’alors l’intervention la plus remarquable qu’a connue le monument. « Et Questel travaillait de manière très intelligente, à l’époque d’un Viollet-le-Duc, en ne remplaçant que les pierres en mauvais état », rappelle son lointain successeur.

Réponse de Louis XIV à son ancêtre Saint Louis et la Sainte-Chapelle de l’île de la Cité, la chapelle de Versailles est hautement symbolique : seul élément vertical dans un ensemble palatial horizontal, elle emprunte au gothique ses grandes châsses lumineuses et son grand comble qui tire l’édifice vers le ciel. Ces deux éléments retrouveront leurs dorures originales, une décision prise au terme de « débats vifs », notamment pour les armatures des baies, citation gothique ainsi défendue par l’architecte du château : « La volonté de Mansart n’était pas d’avoir un trou dans la façade, comme dans la plupart des églises classiques. En rendant la dorure, on voit à nouveau cette armature très épaisse qui forme un réseau et scande la façade. »

Sur le grand comble, ce sont les décors, en plomb, qui retrouvent leur aspect doré. Parmi eux figurent deux groupes de chérubins monumentaux signés du sculpteur Guillaume Coustou, dont seules les armatures internes ont dû être reprises. Tout aussi impressionnant est l’état de conservation quasi parfait des 28 statues qui rythment la balustrade, restaurées in situ pour éviter tous risques liés aux transferts durant le chantier. In situ, les statues le resteront, perchées à 40 mètres de haut : là aussi, un choix audacieux. Dans la plupart des monuments historiques, les rondes-bosses extérieures sont désormais remplacées par des copies afin de préserver la conservation des originaux. D’après Frédéric Didier, faire regagner le sol à ces œuvres se ferait au mépris de leur conception, pensée du point de vue d’un spectateur levant les yeux : « Elles sont faites pour être vues de loin, les détails sont calculés pour un jeu d’ombre et de lumière, et sont presque caricaturaux quand on les voit de près. »

Cette décision est aussi permise par un matériau étonnamment résistant, la pierre des carrières de Tonnerre dans l’Yonne, désormais recouverte d’un badigeon protecteur. L’usage raisonné des pierres introduit par Mansart irradie d’ailleurs dans l’ensemble de l’édifice, et explique un état de conservation exceptionnel : « Tout l’étage des fenêtres hautes est intact, nous n’y avons pas changé une seule pierre ! », s’émerveille Frédéric Didier. À chaque pierre est assigné un usage précis, selon ses caractéristiques. Ainsi, sept types de matériau lapidaire composent la façade originale, auxquels il faut ajouter six pierres apportées par les restaurations successives.

Les dommages des infiltrations réparés

Les pathologies dont souffre la chapelle sont à chercher dans les ouvrages cachés. La charpente prend racine dans des chenaux en pierre, sur lesquels Mansart comptait pour évacuer les eaux et lester la structure en bois. L’étape la plus lourde du chantier de restauration a consisté dans le démontage de cet ensemble de cheneaux, pour traiter le pourrissement des sablières (supports de la charpente) situées en dessous. Les infiltrations causées par ce dallage de pierre ont été résolues au XIXe siècle par un revêtement en plomb, qui est conservé. En revanche, les conséquences de ces infiltrations sur l’étage des tribunes restaient visibles. Un mauvais choix de matériau lors de la restauration de Questel a même aggravé les concentrations en sel dans les pierres originales. Grâce aux campagnes photographiques du début du XXe siècle, la progression des dégradations sur les bas-reliefs a pu être retracée, et les dernières pierres malades ont été retirées pour être remplacées par leurs exactes copies. L’étage attique, qui couronne le grand comble, accueillera également les rares éléments non originaux de l’édifice. Les torchères, changées au XIXe siècle et très dégradées, ont été déposées et remplacées par de nouvelles sculptures fondées sur le modèle original du XVIIIe siècle.

Retourné à un état quasi originel à l’extérieur, ce « chef-d’œuvre dans le chef-d’œuvre » qu’est la chapelle de Versailles aurait désormais besoin d’une restauration intérieure : « Il ne faut vraiment pas y regarder dans le détail, soupire Frédéric Didier ; à certains endroits on voit encore les parties plus claires bûchées par la Révolution ! » Parvenu au bout du mécénat de donateurs anonymes, qui aura permis la restauration du bassin de Latone, du Trianon-sous-bois et de la chapelle, le château devra se mettre en quête de nouveaux bienfaiteurs pour financer ce rafraîchissement.

Thématiques

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°559 du 22 janvier 2021, avec le titre suivant : À Versailles, une chapelle lisible et visible

Tous les articles dans Patrimoine

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque