Pédagogie

Versailles de fond en comble

L’établissement public vient d’inaugurer sa galerie consacrée à l’histoire du château

Par Daphné Bétard · Le Journal des Arts

Le 2 juillet 2012 - 939 mots

VERSAILLES - Attendue depuis longtemps, la galerie de l’histoire du château de Versailles, retraçant les grandes étapes de sa construction, a ouvert ses portes le 14 juin.

Onze salles, situées au rez-de-chaussée de l’aile nord, constituent désormais le préambule à la visite de ce lieu historique à la typologie complexe. Associant œuvres d’art, maquettes et outils multimédias, le parcours suit la genèse et l’évolution du château et de son domaine du XVIIe siècle au XIXe siècle. Sont ainsi évoqués les premiers travaux sous Louis XIII, qui transforme son pavillon de chasse en un véritable château, et le grand chantier lancé par Louis XIV, qui délaisse les résidences royales du Louvre et de Saint-Germain-en-Laye pour faire de Versailles le siège de la monarchie absolue avec le concours, dès la fin des années 1660, de Le Vau, Le Nôtre et Mansart. S’ensuit l’aménagement du salon d’Hercule et la construction de l’Opéra royal sous Louis XV, à qui l’on doit également le Petit Trianon que Louis XVI offrira à Marie-Antoinette, sans oublier les travaux lancés par Louis-Philippe, qui, en 1830, décide d’en faire un musée historique dédié « À toutes les gloires de la France ».

Pour conter cette épopée architecturale, l’agence Projectiles a conçu une scénographie résolument moderne. Transformée sous Louis-Philippe, dans le cadre de son grand projet de musée d’histoire de France, la galerie n’avait conservé que les volumes de ses pièces en enfilade et deux corniches des décors (encore visibles aujourd’hui). Les scénographes ont donc eu toute latitude dans ces espaces modifiés plusieurs fois au cours du XXe siècle avant de se figer dans les décors voulus par le conservateur Pierre Lemoine dans les années 1970. Des tentures et faux marbres que Frédéric Lacaille décrit comme « du faux Versailles dans un vrai Versailles ». D’après le conservateur du Musée national du château de Versailles en charge des peintures du XIXe siècle et des galeries historiques, « ce décor très lourd étouffait les collections. Les nostalgiques regrettent cette ambiance datée ; pourtant, la première vertu de ces nouveaux espaces est de permettre au visiteur de voir enfin les œuvres ».

Les murs ont été rhabillés en Corian gravé, un matériau flexible que nombre d’architectes et designers affectionnent. C’est également en Corian qu’ont été conçus d’imposants cubes diffusant la lumière, version contemporaines des lustres royaux, et les caissons lumineux utilisés en guise de cartels. Des stores filtrants laissent visibles les jardins du domaine, permettant au regard de glisser des représentations peintes et des maquettes à la réalité des lieux. Ainsi, le tableau de la Promenade de Louis XIV devant le parterre du Nord, d’Étienne Allegrain (1644-1736), est exposé dans une salle avec vue sur le site en question. Des œuvres ont été sorties des réserves pour l’occasion, comme le carton de la tapisserie de La Visite de Louis XIV aux Gobelins ou le projet de plafond de François Lemoyne, L’Apothéose d’Hercule ; d’autres sont exposées pour la première fois, à l’exemple du Char de Jupiter entre la Justice et la Piété de Coypel, acquise en 2012. Certaines peintures ont, en revanche, été décrochées du rez-de-chaussée ; elles iront rejoindre les futures salles consacrées à Louis XIV, au premier et au deuxième étages, dont l’inauguration est prévue à l’automne.
La grande nouveauté de la galerie d’histoire réside dans la présentation de films 3D, condensés d’images de synthèse réalisées à partir de nombreuses archives et en concertation avec l’équipe de la conservation. Fruit d’un partenariat avec Google (lire l’encadré), ces petits films ne sont pas diffusés aux côtés des œuvres mais dans des salles introductives. Beaucoup moins convaincant est le mur d’écrans qui montre Versailles en tant que palais de la République (où eut lieu la signature du traité de Versailles) et qui diffuse des images de fêtes et spectacles relevant plus de l’autopromotion. Outre ses fins pédagogiques, « la galerie devait répondre à des questions d’ordre pratique », comme le souligne Frédéric Lacaille, c’est-à-dire : réguler le flux des visiteurs – plus de 6 millions de visiteurs annuels annoncés par l’établissement public en 2011. L’expérience est concluante puisque le public, d’abord très dense, se répartit en petits groupes, au rythme des films 3D, avant de se disperser dans le château ou le domaine avec lesquels ils viennent de se familiariser.

Le château en 3D

Restituant les différentes étapes de la construction de Versailles, les films 3D présentés dans les nouveaux espaces de la galerie d’histoire du château de Versailles ont été conçus avec l’Institut culturel de Google, qui a investi pas moins de 3 millions d’euros pour leur réalisation. Constitué d’une équipe d’une vingtaine d’ingénieurs dirigée par Steve Crossan, et intégré au siège parisien du géant américain depuis la fin 2011, l’Institut culturel de Google, qui se veut un outil de diffusion de la diversité culturelle, développe des plateformes technologiques en collaboration avec les acteurs de la culture. Destiné aussi à redorer l’image du groupe que les conflits avec les éditeurs français avaient quelque peu ternie, l’institut s’est déjà illustré avec la présentation des manuscrits de la mer Morte conservés au Musée d’Israël de Jérusalem ou la mise en ligne de plus de 30 000 œuvres d’art appartenant à quelque 150 musées du monde entier, dans le cadre de la galerie virtuelle Art Project. La visite virtuelle de la galerie d’histoire se prolonge sur www.versailles3d.com.


GALERIE DE L’HISTOIRE DU CHÂTEAU

- Coût des travaux : 1,5 million d’euros

- Surface : 650 m2

- Nombre de salles : 11

- Scénographe : Projectiles


Pour compléter la visite :

www.versailles3d.com.

À lire : Frédéric Lacaille, Versailles. 400 ans d’histoire, éd. Gallimard (hors série coll. « Découvertes »), 24 p., 13,50 euros, ISBN 978-2-07-044430-4.

Légende photo

La galerie de l'histoire du château de Versailles - Photo : Thomas Garnier - © Rmn/château de Versailles

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°373 du 6 juillet 2012, avec le titre suivant : Versailles de fond en comble

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