Turquie

Une ville sort de terre dans le Taurus

Premières fouilles systématiques

Le Journal des Arts

Le 1 janvier 1995 - 522 mots

Un équipe pluridisciplinaire de l’université de Louvain vient d’achever sa campagne archéologique 1994 sur le site de Sagalassos (Turquie). Le point sur l’exploration d’une des villes les mieux conservées de l’Antiquité classique.

BRUXELLES - À une centaine de kilomètres au nord d’Antalya, en plein cœur des montagnes du Taurus, les ruines de l’ancienne Sagalassos bénéficient d’un cadre naturel grandiose. Hormis quelques rares sondages, ce site étonnamment élevé (1 500 m d’altitude en moyenne) n’avait jamais accueilli de fouilles systématiques avant 1990. Depuis lors, il fait l’objet d’un vaste programme de recher­ches archéologiques, entrepris par une équipe de l’université de Louvain, dirigée par le professeur Marc Wælkens.

Les découvertes souvent spectaculaires qui se sont succédées pendant les cinq dernières années ont confirmé ce que les sources écrites avaient déjà suggéré : on se trouve ici face à une ville qui, pendant l’époque hellénistique, et encore à l’époque romaine, a joué un rôle de premier plan dans cette région, l’ancienne Pisidie.

Les vestiges mis au jour, qui appartiennent surtout à l’époque romaine, laissent d’ailleurs imaginer la richesse de la ville. Des bâtiments administratifs richement décorés étaient regroupés, depuis le IIe siècle av. J.C., autour du centre de la vie politique de la cité – "l’agora supérieure" – dans la ville haute. Plus bas, une place appelée "agora inférieure" accueillait des rangées de magasins, dont un certain nombre ont déjà été fouillés, et donnait accès à une importante artère commerçante. Le début du Ier siècle apr. J.C. marque l’apparition des premiers grands édifices religieux de Sagalassos, dont deux temples, l’un de style dorique, l’autre ionique.

La grande prospérité atteinte par la ville à partir du IIe siècle est à l’origine d’une série de nouveaux édifices, parmi lesquels deux autres temples, des thermes imposants, encore conservés  sur deux étages, une fontaine et une bibliothèque. Certains de ces vestiges, protégés des intempéries et des pilleurs par une énorme couche de sédiments et par un site peu accessible, sont dans un état de conservation tel qu’il a été possible d’entamer leur restauration.

Lointaines tragédies
L’année 1994 a apporté son lot de découvertes remarquables. Parmi les nombreuses sculptures mises au jour, signalons quatre grandes figures féminines faisant partie d’une frise monumentale ornant un édifice du IIe siècle av. J.C. Une statue colossale d’Alexandre le Grand, abritée jadis dans un petit temple, témoigne du culte dont le roi macédonien faisait encore l’objet deux siècles après la prise de la ville, en 334-333 av. J.C. Le clou de la campagne a cependant été la fouille d’une fontaine monumentale évoquant une façade de théâtre, anciennement ornée d’une série de grandes statues en marbre, dont on a retrouvé des fragments importants.

La richesse de Sagalassos, constante depuis l’époque hellénistique jusqu’au Ve siècle apr. J.C., est attestée également par une production monétaire exceptionnelle entre le Ier et le IIIe siècle, et par l’existence d’un grand atelier de production de céramiques, exportées jusqu’en Syro-Palestine et en Égypte.

Cette belle prospérité sera brusquement interrompue par deux violents tremblements de terre, en 518 et en 528. La découverte, cette année, de sept squelettes sous les éléments écroulés d’une porte monumentale, a illustré de façon émouvante ces lointaines tragédies.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°10 du 1 janvier 1995, avec le titre suivant : Une ville sort de terre dans le Taurus

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