Architecture moderne

Une église menacée

Par Gilles de Bure · Le Journal des Arts

Le 30 juillet 2007 - 501 mots

La Saint Frances Xavier Cabrini Church, dessinée en 1962 par l’architecte Hamilton Frederick, pourrait être détruite à La Nouvelle-Orléans.

La Nouvelle-Orléans - L’ouragan Katrina s’est trouvé à La Nouvelle-Orléans d’ardents et zélés continuateurs dans l’entreprise de destruction de la ville. Qu’on en juge : sur les bords du Mississipi, la Holy Cross School qui, depuis 1870, accueillait 800 élèves du secondaire, a été ravagée. Katrina passé, l’école a décidé de quitter ces lieux, de se délocaliser un peu plus au nord, sur les bords du lac Pontchartrain. L’église catholique possède dans le quartier de Gentilly un terrain de 7,2 hectares, largement de quoi accueillir la Holy Cross School. Mais, sur le terrain en question s’élève déjà une église, la Saint Frances Xavier Cabrini Church. Édifiée en 1962 et signée par l’agence Curtis and Davis, elle a été en réalité conçue par un tout jeune architecte âgé alors de 29 ans, Hamilton Frederick.

Une architecture moderniste
Cette église, merveilleux exemple de l’architecture moderniste du début des années 1960, ne s’accorde en rien avec le projet de la nouvelle Holy Cross School pensé dans un style vaguement Nouvelle-Angleterre… L’archidiocèse, propriétaire du terrain, a décidé de détruire la Saint Frances Xavier Cabrini Church, entraînant une levée de boucliers immédiate à la faculté d’architecture de la Tulane University à La Nouvelle-Orléans. De son côté, la municipalité prend plutôt le parti de l’archidiocèse avec pour justification cette déclaration mémorable d’une élue locale, Cynthia Hedge-Morell : « Pensez-vous vraiment que le béton ait plus de valeur que l’humain ? » Quoiqu’il en soit, alors que The New Orleans Historic District Landmarks Commission tarde à s’engager, un mouvement international de sauvegarde – « Friends of Saint Frances Xavier Cabrini Church » (1) – s’est constitué pour tenter de sauver cet étonnant voile de béton, cerclé d’une enceinte de briques, dont l’élégante canopée soulignée de fil d’or, domine un autel d’une seule masse en marbre de Carrare. Sculptés dans ce noble matériau, les fonts baptismaux rivalisent avec les vitraux dus au maître verrier français Max Ingrand. La bataille est loin d’être gagnée et les plus graves menaces pèsent lourdement sur l’avenir de ce petit chef-d’œuvre architectural. Comme le souligne justement l’historien d’art Michel Ragon dans une lettre adressée au Cardinal Poupard et au conseil pontifical de la culture : « la démolition de cette église porterait un grave préjudice à la fois à l’histoire de l’architecture moderne et à la symbolique religieuse… » D’autant que son emprise au sol sur un si vaste terrain est d’une évidente modestie. Et ce serait aussi faire fi du talent exemplaire d’Hamilton Frederick auquel on doit également deux chefs-d’œuvre de géométrie constructive avec l’immeuble IBM de Pittsburgh et le Federal Building de Washington, un exemple parfait de maîtrise des volumes et de la lumière avec la Louisiana National Bank de Baton Rouge et une très étrange tour de contrôle, celle de l’aéroport militaire de Dyers au Texas, sorte de totem nervuré et expressif, comme un hommage moderniste à la culture des Indiens du Southwest.

(1) Contact de l’association « Friends of Saint Frances Xavier Cabrini Church » : david@degashouse.com

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°258 du 27 avril 2007, avec le titre suivant : Une église menacée

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