Un quartier sensible

Le Musée d’art contemporain de Sydney joue son avenir

Le Journal des Arts

Le 31 août 2001 - 631 mots

Souffrant déjà d’une situation financière difficile, le Musée d’art contemporain de Sydney (MCA) est aujourd’hui au centre d’une polémique politique. Prise dans les projets de restructuration du quartier de Circular Quay, l’institution n’est pas encore fixée sur le sort de ses locaux.

SYDNEY (de notre correspondant) - Avec une fréquentation en hausse et l’organisation de manifestations majeures, comme la Biennale d’art contemporain (lire le JdA n° 108, le 30 juin 2000), le Musée d’art contemporain de Sydney (MCA) semblait avoir tiré un trait sur sa jeunesse difficile. Inauguré en 1991, l’établissement souffre d’un équilibre budgétaire difficile à atteindre (l’établissement doit prendre en charge ses frais généraux à hauteur de 89 %) et d’une programmation jugée élitiste. Si cette image a été rompue par son actuelle directrice, Elizabeth Macgregor, nommée en 1998, la situation financière reste, elle, problématique, et ce malgré une subvention exceptionnelle de 750 000 dollars australiens (environ 2,8 millions de francs) accordés en 1999 par l’État (lire le JdA n° 88, 10 septembre 1999). Quant aux ambitions du maire de la ville, Frank Sartor, elles placent aujourd’hui le musée dans une situation délicate. Exerçant son dernier mandat, le maire semble en effet bien décidé à laisser sa marque sur le quartier de Circular Quay, dont le musée, situé entre l’Opéra et le Harbour Bridge, est le cœur.

Raser ou modifier ?
Après un premier concours raté, deux projets des architectes berlinois et londoniens Sauerbruch & Hutton sont à l’étude. L’option préférée du jury implique la destruction de l’ancien bâtiment de la Direction des services maritimes qui abrite le musée et son remplacement par une structure de verre à toit plat pour un coût avoisinant les 380 millions de francs. Un autre projet, moins cher de 80 millions, constituerait en l’édification d’un niveau supplémentaire sur le bâtiment existant, un rajout comparé par ses détracteurs à une table basse. Enfin, pour des raisons de rentabilité, le cahier des charges annonce qu’un tiers de la surface du rez-de-chaussée devait être consacré à des boutiques. Cette solution a valu à la mairie des critiques violentes, à l’image de celle du quotidien Sydney Morning Herald, qui, sous la plume de David Maar, notait que “l’ensemble du projet n’est pas motivé par les besoins du musée, mais par les profits qui seront générés par la location de cet espace”. “Personne ne veut d’un musée. Tout ce qu’ils veulent, c’est un bâtiment”, avait d’ailleurs jugé l’année dernière Brook Turner, l’un des mécènes du MCA.

Principale intéressée, Elizabeth Macgregor est convaincue que si l’on ne veut pas inclure d’espaces commerciaux dans le nouveau bâtiment, il faudrait que l’ensemble du quartier soit transformé en centre commercial. En revanche, si Sydney souhaite transformer cette zone en pôle culturel, le projet préféré est “sans aucun doute l’option la moins coûteuse”. “Aucun de ces deux projets n’est définitif”, se plaît-elle toutefois à remarquer, reconnaissant tacitement qu’aucune des propositions n’est viable. D’autant que le gouverneur de l’État, Bob Carr, semble peu enclin à donner une autorisation de destruction. Il estime, par ailleurs, que la jeune collection du MCA serait incongrue dans un somptueux bâtiment. “Il a toujours été clair, rappelle pour sa part Elizabeth Macgregor, que les grands changements ne pourraient provenir que des projets présentés par le maire.” La controverse annoncée depuis longtemps atteint aujourd’hui son paroxysme et la directrice cherche “une solution qui pourra satisfaire tout le monde”. Selon elle, le gouverneur “devra monter au créneau pour débloquer la situation. Si l’État n’intervient pas, nous ne pourrons plus compter que sur une sorte de joker”. “Une chose est sûre : je veux diriger ce musée. Et c’est bien de cela qu’il s’agit”, affirme la directrice. Quant à l’option d’un déménagement, bien trop coûteuse, elle est fortement déconseillée par celle-ci. “Ce serait lamentable d’en arriver là, cet endroit est tellement merveilleux”, plaide-t-elle.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°131 du 31 août 2001, avec le titre suivant : Un quartier sensible

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