Bibliothèque - Musée

Un nouvel écrin pour la bibliothèque-musée de Carpentras

Par Francine Guillou · Le Journal des Arts

Le 9 mai 2018 - 736 mots

CARPENTRAS

Avec le transfert des collections de l’Inguimbertine dans l’hôtel-Dieu historique, Carpentras a ouvert une bibliothèque-musée unique en France. Livres et œuvres d’art s’y côtoient déjà en attendant son ouverture complète prévue en 2020.

La bibliothèque-muséede Carpentras 
La bibliothèque-muséede Carpentras 
Photo Takuji Shimmura

Carpentras, ville d’art et d’histoire, ancienne cité papale et ancienne capitale du Comtat Venaissin, veut changer son image, fortement dégradée depuis vingt ans et la fin de l’âge d’or du maraîchage qui fit la richesse de la région. Avec l’Inguimbertine à l’hôtel-Dieu, les municipalités successives ont choisi de faire de cette bibliothèque-musée unique en France l’étendard de la renaissance culturelle de la ville, sur les traces des donateurs et mécènes des siècles passés (lire JdA n° 396, septembre 2013). Lancée au début des années 2000, la fusion entre la bibliothèque, les musées et l’hôtel-Dieu du XVIIIe siècle est aujourd’hui devenue concrète, malgré quelques aléas.

La première phase du projet, inaugurée en novembre dernier, est surtout le résultat de la force de conviction de Jean-François Delmas, conservateur général des bibliothèques, à la tête à la fois de la bibliothèque, des archives et des musées de Carpentras. Depuis 2004, il œuvre à un projet aux dimensions presque démesurées pour cette ville de 30 000 habitants : investir les quelque 10 400 m2 de l’hôtel-Dieu, édifice classique achevé en 1762 et classé dès 1862, laissé vacant après le départ de l’hôpital de Carpentras en 2001. Là, seront installés la bibliothèque de lecture publique, les fonds patrimoniaux écrits et graphiques, les archives anciennes, et quatre collections muséales (beaux-arts, ethnologie, archéologie et arts décoratifs). Un premier projet imaginé par Jean-Michel Wilmotte, chiffré aux alentours de 100 millions d’euros, est abandonné. Le chantier de réhabilitation est finalement confié en 2010 à l’Atelier Novembre, pour un coût global de 36 millions d’euros.

« Résister aux normes »

Pour Jean-François Delmas, le projet est aussi chargé d’une grande symbolique, autour de la personnalité de dom Malachie d’Inguimbert (1683-1757), évêque et mécène de la ville de Carpentras, à qui les Carpentrassiens doivent à la fois l’hôtel-Dieu et l’Inguimbertine. « C’est en quelque sorte retrouver une identité comtadine, avec ses spécificités historiques », explique le conservateur.

Parmi les spécificités historiques de la ville de Carpentras, l’Inguimbertine a su préserver l’intégrité de ses collections, entre livres, archives et œuvres d’art, pour sauvegarder la vision humaniste du XVIIIe siècle, là où d’autres municipalités ont, à l’époque moderne et contemporaine, séparé musée et bibliothèque dans des institutions distinctes. Encore aujourd’hui, les barrières demeurent selon Jean-François Delmas : « Si j’avais écouté la direction régionale des Affaires culturelles (Drac) à l’époque où je concevais le projet scientifique, l’Inguimbertine ne serait pas celle que l’on visite aujourd’hui. Il a fallu résister aux normes et aux classifications ! ».

Les faits lui donnent raison : à l’entrée de la bibliothèque de lecture publique-musée, se déployant sur presque 2 000 m2 dans l’aile ouest du bâtiment, l’évidence de la cohérence du projet saute aux yeux. Accueillant le visiteur, une vitrine propose des morceaux choisis issus de collections de musique : instruments, partitions anciennes, portraits de musiciens et de donateurs mélomanes. « Le fonds musical est très important à l’Inguimbertine, grâce à des dons successifs dès ses origines », précise Jean-François Delmas. Entre les rayonnages, des petites sculptures et objets archéologiques surgissent, comme des clins d’œil sous verre entre un ouchebti égyptien ou ce petit chien en plâtre du XIXe siècle. Aux murs, des grands formats, des paysages locaux, des portraits parfois sensibles, comme cette petite écolière dans À l’école avant la classe d’Auguste-Joseph Truphème (1836-1898). Comme nombre de musées en province, la collection de peinture de Carpentras s’est constituée au fil des dépôts de l’État et des dons. Mises à distance en hauteur, les peintures invitent à la contemplation en s’installant dans les fauteuils design de la bibliothèque. À l’entrée de la salle multimédia, les instruments d’astronomie accueillent les jeunes usagers de la bibliothèque, dont un exceptionnel globe terrestre de Guillaume Blaeu daté de 1622. Là encore, cette vitrine souligne la très grande qualité des collections scientifiques de l’Inguimbertine.

Depuis son ouverture en novembre, la bibliothèque a accueilli 60 000 visiteurs et distribué 7 000 cartes d’usagers. « Le public vient pour les livres, pour le monument, pour les collections », explique le conservateur. Autant de bonnes raisons pour attendre avec impatience la deuxième phase du chantier, prévue pour 2020. D’ici deux ans, l’hôtel-Dieu sera complètement ouvert avec la partie bibliothèque patrimoniale-musée au premier étage et une librairie-boutique au rez-de-chaussée, ainsi qu’un espace de restauration et la pharmacie patrimoniale restaurée.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°500 du 27 avril 2018, avec le titre suivant : Un nouvel écrin pour la bibliothèque-musée de Carpentras

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