XIXe

Un goût proustien

Conservé dans son esprit d’origine, le Musée d’Ennery a enfin rouvert ses portes

Par Daphné Bétard · Le Journal des Arts

Le 10 avril 2012 - 497 mots

PARIS - Inauguré en 1908, dans un hôtel particulier de l’avenue du bois de Boulogne (actuelle avenue Foch), à Paris, le Musée d’Ennery vient de rouvrir ses portes au public après plus de quinze années de fermeture pour d’indispensables travaux de mise aux normes.

Rattaché au Musée national des arts asiatiques-Guimet, le musée avait été fermé en 1996 et n’avait pas bénéficié de la grande campagne de rénovation de la maison mère, achevée en 2001. Il lui a fallu attendre 2011 pour que la Rue de Valois s’y intéresse dans le cadre de son plan musées. Les travaux ont consisté à assainir les espaces et à restaurer les œuvres en conservant l’esprit du lieu.

Le musée est né de la volonté de Clémence d’Ennery, femme d’Adolphe d’Ennery, journaliste, dramaturge et romancier, qui légua sa collection d’œuvres d’art chinois et japonais à l’État en 1894, par l’entremise de Georges Clemenceau. Pour abriter cet ensemble riche de près de 7 000 pièces datant du XVIIe au XIXe siècle, Clémence d’Ennery fit ériger dès 1875 un hôtel particulier dans le 16e arrondissement parisien. Son legs précisait que la collection devrait toujours être présentée en l’état, c’est-à-dire en assumant un parti pris décoratif. Celui-ci se traduit par l’accumulation des œuvres sous vitrines – des vitrines japonisantes en marqueterie commandées pour la plupart à l’ébéniste parisien Gabriel Viardot –, des masques suspendus du sol au plafond et des murs recouverts de grandes tentures, dans la pure tradition des cabinets de curiosité. Une présentation « proustienne », en somme, comme l’a résumé le ministre de la Culture Frédéric Mitterrand, venu inaugurer le musée le 13 mars. La marge de manœuvre était donc ténue pour faciliter au public la lecture des œuvres. Hélène Bayou, conservatrice en chef des arts du Japon au Musée Guimet, est intervenue très légèrement dans les premières salles, mettant en exergue certaines pièces et regroupant quelques productions céramiques.

Témoignant de l’histoire du goût européen pour l’Extrême-Orient à la fin du XIXe siècle, les espaces du Musée d’Ennery s’offrent au visiteur comme si rien n’avait bougé depuis un siècle. Dépourvu de panneaux explicatifs, le musée se visite sur réservation, par petits groupes. Dans ce voyage à la recherche du temps perdu, les visiteurs apprécieront des chefs-d’œuvre de la porcelaine japonaise et de beaux exemples de netsuke de l’époque Edo (1603-1868), aux côtés de céramiques chinoises des dynasties Yuan (1279-1368) à Qing (1644-1911), des jades et objets du lettré chinois (sceaux, bambous sculptés, corne de rhinocéros…), des laques japonaises d’époque Momoyama (1568-1603), des sculptures bouddhiques, des coffres et masques japonais. Cet ensemble figé dans le passé ne devrait pas déplaire au nouveau président du Musée Guimet, Olivier de Bernon, qui dernièrement, dans nos colonnes (lire le JdA no 363, 17 févr. 2012, p. 4), a révélé une programmation principalement axée sur la vision qu’avait l’Occident de l’Extrême-Orient au XIXe siècle.

Musée d’Ennery, 59, av. Foch, 75016 Paris, ouvert jeudi, samedi et dimanche après-midi sur réservation, tél. 01 56 52 53 45, resa@guimet.fr

Musée d’Ennery

- Coût des travaux : 1,1 million d’euros

- Nombre de pièces dans la collection : 7 000

- Conservatrice en charge du Musée d’Ennery : Hélène Bayou, conservatrice en chef des arts du Japon, Musée Guimet

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°367 du 13 avril 2012, avec le titre suivant : Un goût proustien

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