Le choix du conservateur

Sylvie Ramond, directrice du Musée des beaux-arts de Lyon

« Geer Van Velde enfin reconnu »

Le Journal des Arts

Le 3 mars 2006 - 636 mots

Né à Lisse (Pays-Bas) en 1898, Geer vécut à La Haye de 1904 à 1924, où il fit son apprentissage chez un peintre-décorateur. En 1925, il rejoint son frère Bram à Paris. Après son exposition à la galerie Guggenheim Jeune à Londres en 1938, il choisit de vivre et de travailler à Cagnes-sur-Mer [Alpes-Maritimes] de 1939 à 1944, date de son installation définitive à Cachan [Val-de-Marne], où il meurt en 1977. À partir de 1946, il expose à Paris, puis dans le monde entier. L’écrivain Samuel Beckett fut le premier à faire connaître la peinture de Geer et de son frère Bram. Il fut aussi l’un des premiers à relever le lien de la peinture de Geer avec la tradition du siècle d’or hollandais. En 1938, dans une plaquette publiée à l’occasion de l’exposition monographique de Geer organisée par Peggy Guggenheim à Londres, il rédige cette notice biographique lapidaire : « Né troisième sur quatre, le 5 avril 1898 à Lisse, près de Leyde. Tulipes et Rembrandt.[…] Croit que la peinture devrait signifier sa propre affaire, c’est-à-dire la couleur. C’est-à-dire pas davantage, disons, Picasso que Fabritius, Vermeer. Ou inversement. » La peinture de Geer peut être regardée en effet comme une simplification abstraite des espaces privés ou publics de la peinture hollandaise du XVIIe siècle. Nombre de ses peintures paraissent renvoyer aux intérieurs de Vermeer ou aux « portraits d’églises » de Saenredam.
Les premières œuvres se composent de morceaux de bravoure académiques : portraits et autoportraits classiques, qui témoignent d’un métier très vite acquis. Ce sont ensuite des œuvres figuratives peintes soit sur le motif, soit d’imagination, dans lesquelles se mêlent des influences russes, expressionnistes et fauves.

Poésie secrète
À partir de Méditerranée (1941), ce ne sont plus que des compositions aux couleurs sourdes, où tout effet de ressemblance littérale avec le monde extérieur est peu à peu évacué. Apparaît ensuite la période dite « des grands ateliers » des années 1948-1952, très architecturés, où le travail du dessin articule la toile et donne leur ordre aux plans colorés. Au cours des années 1950, ses compositions confèrent à la couleur une autonomie plus marquée, le dessin se fait plus discret au profit d’un jeu entre des aplats qui se jouxtent, s’écartent ou s’opposent sur un fond clair. C’est à ce dernier groupe d’œuvres que se rattache la Composition de 1958.
Longtemps à l’ombre de son frère Bram, l’œuvre de Geer aura attendu les années 1990 pour être véritablement reconnu. L’inlassable travail de Piet Moget, au Lieu d’art contemporain de Sigean [Aude], ainsi que l’importante monographie de Germain Viatte, ancien directeur du Musée national d’art moderne (publiée en 1989), tout comme la rétrospective des musées Picasso d’Antibes et Unterlinden de Colmar en 2000 ont révélé l’importance de l’art de Geer Van Velde à un large public. La présentation à la FIAC en 2004 d’un très bel ensemble de dessins et d’aquarelles de l’artiste par la galerie Louis Carré & Cie vient confirmer cette réévaluation qui fait de Geer Van Velde l’une des figures les plus importantes de la scène artistique française des années 1950. Désormais à la même hauteur que l’art plus expressif de Bram, sa poésie plus secrète, inspirée par la sérénité de Bonnard et de Matisse, l’a imposé comme l’un des artistes majeurs de l’après-guerre. Ce tableau renforce la collection d’art du XXe siècle du Musée des beaux-arts de Lyon. Plus particulièrement, il entre en résonance avec d’autres œuvres des années 1950, tout en formant également un écho à la très belle collection d’art hollandais de l’âge d’or conservée au Musée des beaux-arts de Lyon.
En outre, l’acquisition s’accompagne d’une donation importante de dessins et d’aquarelles de la part de Piet Moget, ami, collectionneur et exégète de Geer.

Sylvie Ramond, directrice du Musée des beaux-arts de Lyon, présente Composition (1958) de Geer Van Velde (1898-1977)

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°232 du 3 mars 2006, avec le titre suivant : Sylvie Ramond, directrice du Musée des beaux-arts de Lyon

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