Risaliti fait des siennes

Il ouvre un nouveau centre d’art en Toscane

Le Journal des Arts

Le 18 décembre 1998 - 977 mots

Un nouveau centre d’art contemporain s’ouvre à Sienne, dans le palais des Papesses construit au XVe siècle. Commandé semble-t-il à Bernardo Rossellino par le pape Pie II pour en faire don à sa sœur Catherine, il est devenu, à la fin du siècle dernier, propriété de la Banque d’Italie qui l’a occupé jusqu’il y a cinq ans. Restauré et transformé en centre d’art contemporain, il a été inauguré le 21 novembre et complète un circuit toscan de l’art contemporain dont les autres fleurons sont le Centre “L. Pecci”? de Prato et le Palazzo Fabroni de Pistoia. Sergio Risaliti, 36 ans, en est le directeur artistique. Né à Prato, il a complété sa formation en suivant le cours de conservation du Magasin de Grenoble. En France, Risaliti est également membre du comité technique du Frac Rhône-Alpes. Il présente son projet, tourné vers la jeune création et l’animation locale, notamment avec un cybercafé.

Sienne est une ville profondément enracinée dans le passé. Pourquoi y créer un centre d’art contemporain ?
Le projet du palais des Papesses est l’un des éléments fondamentaux du renouveau culturel de la ville, sous le signe du rapport désormais inévitable entre patrimoine et contemporain. Sienne, comme beaucoup d’autres villes italiennes, vit dans une stratification des époques et des expressions artistiques. Or, je crois que tout espace doit être modelé en fonction du contexte dans lequel il s’insère.

Ce contexte est très riche sur le plan historique. Mais que peut offrir Sienne aujourd’hui ?
Il existe un présent, fait de jeunes et d’étudiants. La ville est le siège de l’École de spécialisation en histoire de l’art dirigée par Enrico Crispolti, et de la Faculté des sciences des communications. La formation et la recherche sont deux spécificités culturelles de la Sienne d’aujourd’hui. En revanche, les galeries d’art contemporain ont fui. En dehors de la galerie Bagnai, la ville n’offre pas grand-chose. Mais plusieurs réalisations existent dans ce domaine, et je citerai des expositions et des projets comme “Arte all’Arte”, proposé par l’association culturelle Continua de San Gimignano, les activités de Castelluccio di Pienza organisées par Plinio de Martiis, et l’association Zerinthia de Serre di Rapolano, qui succède à un ex-galeriste comme Pieroni. Si l’on considère d’un côté la réalité universitaire et de l’autre cette effervescence, le Centre d’art contemporain de Sienne – un centre de recherche culturelle et de réflexion autour des phénomènes et des mécanismes de l’art contemporain – a sa raison d’être.

Vos projets seront-ils en relation avec le contexte culturel de la ville ?
Prenons par exemple le projet “Atlantide”. Son nom est lié à la réalité géologique de la ville, bâtie sur un réseau de canaux creusés lorsque les Siennois se sont lancés à la recherche d’un fleuve souterrain, le Diana. Sienne a aussi de splendides fontaines construites entre le Moyen Âge et le XVe siècle. Elle offre également un paysage mythique, qui a inspiré les artistes depuis Ambrogio Lorenzetti jusqu’à Maurice Denis. Pour “Atlantide”, nous invitons des créateurs à réaliser des fontaines ou diverses interventions dans la ville. En novembre, nous avons accueilli les projets de Massimo Bartolini, Federico Fusi, Chiyoko Miura et Alfredo Pirri. Par ailleurs, “Palestra” est une série d’expositions conçues par de jeunes lauréats de l’École de spécialisation, qui pourront ainsi tester sur le terrain ce qu’ils ont appris.

Prévoyez-vous d’autres expositions inaugurales ?
Oui, puisque la programmation comprendra de plus en plus d’événements. Pour l’ouverture du Centre, trois autres ont été montées : “Itineris”, un cycle d’expositions-rencontres entre des auteurs et diverses œuvres, débutant avec Jannis Kounellis, Giulio Paolini, Mimmo Paladino et Domenico Bianchi qui sont intervenus sur quatre parcours différents ;”Forward”, une série consacrée à des jeunes artistes qui ont conçu des œuvres spécialement pour le palais des Papesses – le premier est Loris Cecchini ; “Voyager”, un itinéraire des recherches de cinq artistes – le projet a démarré en juin avec Daniela De Lorenzo et Alessandra Tesi, il se poursuit avec Eva Marisaldi, Liliana Moro et Grazia Toderi. Enfin, “Bouh” est une série d’expositions présentées en parallèle au Musée des enfants, conçu par la direction de la Culture, qui accueille des œuvres inspirées par le monde de l’enfance et signées Stefano Arienti, Mario Ariò, Fabio Cresci, Cesare Viel, Lara Favaretto, Faridih Rahimi, Cinzia Cozzi et Giulia Boscagli.

Quels sont les services proposés au public ?
Une bibliothèque, un centre de documentation, une collection d’enregistrements d’œuvres touchant au rapport entre les arts visuels et le son, constituée d’archives recueillies par l’artiste Maurizio Mochetti. Au rez-de-chaussée, un cybercafé propose l’accès à Internet et des équipements multimédia, ouvert même en dehors des horaires normaux du Centre. De 19 heures à minuit, il sera accessible comme un espace ouvert sur la ville. Ancien siège d’une banque, le palais est doté d’une chambre forte. C’est là que prendra forme une autre initiative, “Assolo”, s’attachant aux rapports entre les entrepreneurs et l’art. S’y succéderont des entreprises exposant un de leurs produits, qui deviendra ainsi “œuvre d’art” et symbole de société.

Quel est le coût de l’opération jusqu’à maintenant ?
Un premier apport de la Fondation Monte dei Paschi, de Sienne, nous a permis d’ouvrir le Centre et de programmer ses activités. Avec 500 millions de lires (1,7 million de francs), dont 200 pour la location du bâtiment à la Banque d’Italie et 300 pour les expositions inaugurales, nous avons mis à la disposition de la ville un espace de 2 800 m2. Le budget de fonctionnement est couvert par la municipalité. Et en plus de la participation de sponsors, nous comptons sur d’autres fonds publics, du ministère des Biens culturels à l’Union européenne.

Aurez-vous une collection permanente ?
Non, tout au moins pas pour le moment. Il est peut-être plus intéressant de penser en termes d’adoption d’œuvres, de dépôts et de legs. Mais, plus que de la constitution d’un “musée”, un système organisé pour la lecture et l’interprétation critique de l’art contemporain est plus utile en ce moment.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°73 du 18 décembre 1998, avec le titre suivant : Risaliti fait des siennes

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