Musée

Histoire naturelle

Retour vers le futur

Par Daphné Bétard · Le Journal des Arts

Le 27 juillet 2007 - 586 mots

Resté figé dans l’esprit du XIXe siècle, le Muséum de Rouen s’apprête à faire son entrée dans le XXIe siècle après dix années de fermeture. Un pari délicat pour un lieu témoin de l’histoire des musées.

ROUEN - Fermé subitement en 1996 pour des raisons de sécurité, le Muséum de Rouen rouvre au public après plus de dix années de fermeture et seulement six mois de travaux. Réalisés courant 2006, ces derniers ont consisté à mettre aux normes un bâtiment pour le moins vétuste. Ils ont aussi permis d’impulser au musée une réelle dynamique, à commencer par la nomination d’un nouveau directeur. Âgé de 34 ans, Sébastien Minchin aura pour mission de faire passer l’institution directement du XIXe au XXIe siècle ! En effet, rien n’a changé, ou presque, depuis la création du musée en 1828 (lire l’encadré). Seule une salle d’accueil du public évoquant l’histoire des collections a été réaménagée au premier étage. L’ensemble du muséum doit être rénové, salle après salle, essentiellement pour des raisons budgétaires. Les nombreux visiteurs qui se sont pressés depuis sa réouverture – 20 000 personnes en seulement 15 jours – devraient convaincre la municipalité d’investir dans ce lieu que les Rouennais redécouvrent non sans une certaine nostalgie. Le défi consistera d’ailleurs à conserver l’âme du lieu tout en abordant des questions contemporaines, comme la biodiversité, l’écologie ou le réchauffement climatique. « Aborder les problématiques actuelles ne signifie pas de créer une nouvelle cité des sciences avec une muséographie des plus épurées et l’essentiel des collections en réserve, rassure Sébastien Minchin. Nous voulons conserver l’esprit du lieu et trouver un équilibre entre le XIXe siècle et des thématiques novatrices ». Concrètement, l’équipe scientifique souhaite maintenir en place une grande partie des vitrines actuelles qui illustrent au mieux l’évolution de la muséographie et des mentalités depuis deux siècles. Les premières présentations d’animaux naturalisés, exposés sur de simples socles en bois, hors de leur contexte d’origine, témoignent d’une vision résolument linéaire de l’évolution de l’espèce dans la première moitié du XIXe siècle. Puis, les animaux sont regroupés selon leurs zones géographiques et, dès le début du XXe siècle, ils sont mis en scène dans des dioramas dont le muséum possède de beaux exemplaires. « Reste à évoquer la partie manquante : montrer comment l’homme intervient sur son environnement », précise le directeur. Avec une collection riche de 800 000 pièces (dont la moitié exposée), le muséum est le deuxième plus important de France après Paris. « Ce musée est un véritable mille-feuille ! Il croule littéralement sous ses collections. Chaque nouvelle acquisition allait se superposer aux autres dans les nombreux meubles à tiroirs qui jalonnent le parcours d’exposition », explique Sébastien Minchin. Pour libérer ces espaces surchargés, de nouvelles réserves, ainsi que des espaces d’exposition, pourraient être installés dans les anciens locaux de la faculté de médecine, situés face au musée. De multiples possibilités s’offrent au Muséum pour les années à venir, mais il devra patienter jusqu’aux échéances électorales de 2008.

Muséum de Rouen

198, rue Beauvoisine, 76000 Rouen, tél. 02 35 71 41 50, tlj sauf lundi 14h-17h30. - Coûts des travaux : 1 465 000 euros (financés par la ville à 50 %, le département de la Seine-Maritime à 20 %, la Communauté d’agglomération de Rouen à 15 %, la région Haute-Normandie à 10 % et le privé, par le biais de la Fondation du patrimoine à 5 %) - Nombre de pièces de la collection : 800 000 - Directeur : Sébastien Minchin - Nombre de conservateurs : 12

« Un musée de musée »

Créé en 1828 par un scientifique rouennais, Félix-Archimède Pouchet, et installé dans un ancien couvent, le Muséum de Rouen est devenu aujourd’hui un véritable « musée de musée » de l’aveu même de son directeur, tant il est resté figé dans le XIXe siècle, époque de la « collectionnite » aiguë. Les deux conservateurs qui succédèrent à Pouchet, Georges Pennetier et Robert Régnier, ont conservé la scénographie initiale du lieu, accumulant dans les salles du musée les acquisitions et nombreuses donations des scientifiques ou navigateurs. Pouchet a fait aménager la Galerie des oiseaux puis la Galerie d’anatomie, tandis que Pennetier, en 1873, ouvrait les acquisitions à toutes les disciplines des sciences de la nature et créait la section de préhistoire. Robert Régnier, lui, multiplia les dioramas jusqu’à son départ du musée en 1965. Plusieurs projets de rénovation ont vu le jour dans les années 1970, 1980 et 1990, mais aucun ne s’est concrétisé. Le charme du lieu n’a pas échappé à des auteurs comme Maupassant ou Flaubert et, plus récemment, à Philippe Delerm, qui a rédigé une nouvelle se déroulant au muséum, intitulée Sortilège au muséum l’année même de sa fermeture.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°256 du 30 mars 2007, avec le titre suivant : Retour vers le futur

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