Rebeyrolle en sa demeure

Un espace consacré à l’artiste vient d’ouvrir dans sa région natale

Le Journal des Arts

Le 1 juillet 1995 - 489 mots

Grâce à l’action d’une association d’amis et d’amateurs, un Espace Paul Rebeyrolle s’ouvre à Eymoutiers, petite ville près de Limoges où l’artiste est né en 1926. Le bâtiment a été conçu par l’architecte parisien Olivier Chaslin. Tout juste âgé de quarante ans, ce dernier, qui revendique l’influence d’Henri Ciriani, vient de terminer avec Pascale Guédot les bâtiments pour la faculté de droit de Sceaux.

EYMOUTIERS - Sans doute est-ce là le plus étonnant : au détour d’une route départementale, s’échappant de ce qui n’est qu’un gros bourg de campagne (endormi, comme il se doit), le visiteur tombe nez à nez avec un bâtiment avant-gardiste. Que ce bâtiment soit l’aboutissement de la passion toute amicale d’amateurs proches du peintre est une autre surprise. Mais qu’en plus l’édifice abrite quelques-unes des plus belles pièces d’une œuvre internationalement reconnue, voilà un joli pied de nez aux traditionnels réseaux de la valorisation esthétique, qu’ils soient sous la tutelle du marché ou bien celle de l’État.

Rien d’autre ici que les simples retrouvailles d’un peintre avec sa commune natale (après, certes, une longue et fructueuse infidélité), scellées sous les auspices d’une architecture qui s’est voulue simultanément moderne et modeste, indépendante mais attentive aux lieux comme à l’œuvre exposée. Sur la base d’un plan carré et relativement fermé sur l’extérieur, l’architecte a développé un projet minimal qui se déroule comme un petit discours de la méthode : sur chaque côté du carré, quatre salles se succèdent selon les orientations cardinales.

Chacune dispose, vers le centre de l’édifice, d’une prise de lumière zénithale en surhauteur qui accroît le sentiment d’espace et, en périphérie, d’une verrière longitudinale éclairant le mur d’enceinte.

Lumineux, les volumes sont également amples, à la mesure des peintures de Rebeyrolle dont la plus grande (Le Planchemouton, du nom d’un ruisseau voisin), exposée dans la première salle qui est aussi l’accueil, avoisine les quinze mètres de long. Les grandes surfaces de murs, qui seront par la suite complétées d’un certain nombre de cimaises perpendiculaires, permettent d’accrocher pas moins de cinquante toiles, parmi lesquelles, dans la dernière salle, deux monumentaux (et – il faut le dire au passage – magnifiques) Paysages.

Au centre de l’édifice, le parcours se termine par une salle plus vaste encore, dont la hauteur atteint les sept mètres, destinée à accueillir des expositions temporaires. Celle-ci, éclairée et accessible par chacun de ses angles, donne à comprendre la structure en spirale du plan, qui oppose un cœur lumineux à une périphérie opaque.

Outre certains détails inaboutis – mais sans doute est-ce là une conséquence des contraintes budgétaires, pour un coût de construction du bâtiment n’excédant pas les sept millions hors taxes, soit environ 6 600 francs le mètre carré –, on regrettera également le modernisme trop conventionnel de l’esthétique générale. La liberté et l’intensité de la peinture de Paul Rebeyrolle méritaient sans doute une égale radicalité dans l’expression architecturale, compatible avec l’effacement que commandait, à juste titre, la subordination à l’œuvre peinte.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°16 du 1 juillet 1995, avec le titre suivant : Rebeyrolle en sa demeure

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