Musée

Architecture

Quand la pierre se fait cristalline

Par Sophie Trelcat · Le Journal des Arts

Le 11 octobre 2016 - 664 mots

SARS-POTERIES

Conçus par le Toulousain Raphaël Voinchet, les volumes et la structure du MusVerre s’intègrent avec succès dans le paysage rural en proposant une scénographie lumineuse.

Petite bourgade de 1 500 habitants de la région Hauts-de-France, autrefois spécialisée dans la fabrique du verre, Sars-Poterie ne manque pas de charme. Cette « petite Suisse du nord » offre un paysage de bocages vallonnés que traverse la voie verte de l’Avesnois, réservée aux piétons et aux vélos. À une heure de voiture de Lille et Bruxelles, près de Maubeuge et Valenciennes, elle a été épargnée par les phénomènes de « rurbanisation » et reste parsemée de beaux corps de fermes en briques rouges et pierre bleue. C’est en s’appuyant sur les directions héritées des alignements bocagers, sur un terrain en pente de 2 hectares et en bordure de la départementale 962 que s’implante le nouveau musée. L’édifice vient remplacer l’institution originelle créée en 1967, installée dans une ancienne maison de maître, le château Imbert, dont le propriétaire était aussi celui des anciennes fabriques de verreries. Toute signalétique est ici superflue, tant le bâtiment affirme son existence et sa fonction avec ses volumes aux arêtes vives.

Cinq blocs minéraux en pleine nature
« L’édifice prend la forme de cinq éléments massifs, qui sont autant de blocs articulés, laissant transparaître le paysage, et qui répondent à cinq fonctions programmatiques », explique l’architecte qui dès le concours a évité l’écueil du bâtiment en verre. De plans rectangulaires, ces constructions à la géométrie simple sont néanmoins façonnées et agencées savamment : placées légèrement de biais les unes par rapport aux autres, avec un pan coupé de biais en toiture, elles sont perçues comme des éléments cristallins irréguliers et aux arêtes coupantes. L’ensemble massif, ponctué de larges baies vitrées, revêt un élégant habillage de pierre bleue du Hainaut, extraite à une trentaine de kilomètres et dont le développé de façade se retourne en toiture.

Depuis la route, malgré une superficie totale de 3 000 m2, le gabarit d’ensemble du musée ne s’impose jamais par rapport aux bâtisses alentours. Pour cela, les sept mètres de dénivelé du terrain ont été exploités pour développer une partie du programme sur deux étages, à l’arrière et en partie basse de la parcelle ; de manière à préserver l’échelle de la séquence de l’entrée, sur un seul niveau. Celle-ci, précédée d’un parvis minéral de la même pierre, définit le niveau général supérieur depuis lequel on accède à l’accueil, à la salle polyvalente, puis celles pour les expositions permanente  et temporaires, enfin aux ateliers pédagogiques et à l’administration.
Le parcours muséal en boucle est d’une grande clarté : trois boîtes noires avec des œuvres sous vitrines constituent une mise en bouche à propos des ouvrages d’art en verre. Puis le visiteur accède par un escalier à la grande salle d’exposition sous double hauteur en partie basse. Depuis cette dernière, quatre alcôves sombres offrent d’autres présentations d’œuvres placées derrière de larges vitres.

La scénographie proposée par Raphaël Voinchet pour l’exposition principale ne manque pas d’audace. L’architecte a dessiné d’immenses meubles en Corian blanc sur lesquels les pièces sont présentées sans protection. La qualité d’éclairage a été étudiée, notamment avec un système de trois lanterneaux de toiture dessinés de manière à ne pas surplomber les œuvres et éviter les effets d’ombres. Baignés de lumières nord et est, les espaces d’expositions permanente et temporaires sont en lien étroit avec le paysage arboré du site. Il en est ainsi des autres salles visibles les   unes depuis les autres, afin que les activités se télescopent, telle  la grande percée horizontale qui, depuis le hall, permet des vues vers l’exposition principale.

L’architecture sert ici de manière on ne peut plus juste tous les programmes. Il reste maintenant à souhaiter que le Musverre trouve à s’inscrire dans un projet de mise en réseau avec les musées en région et qu’il saura mobiliser les fonds nécessaires pour organiser un renouvellement fréquent d’événements. Un ensemble de conditions sans doute nécessaires pour atteindre les 50 000 visiteurs escomptés.

Fiche technique

Maîtrise d’ouvrage : Conseil départemental du Nord
Paysagiste : Kaplan projets
Surface : 3 000 m2
Coût : 10,3 millions d’€ HT

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°465 du 14 octobre 2016, avec le titre suivant : Quand la pierre se fait cristalline

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