Ordures en vue au château de Vaux-le-Vicomte

Le Journal des Arts

Le 31 août 2001 - 601 mots

À l’initiative de la ville de Maincy, du propriétaire et des Amis de Vaux-le-Vicomte, une pétition nationale vient d’être lancée pour empêcher la construction d’une gigantesque usine de traitement et d’incinération d’ordures.
Celle-ci devrait s’élever sur un tertre à la lisière de la commune, à portée du château de Fouquet. Quand la défense de l’environnement rejoint la cause patrimoniale.

MAINCY - Une usine d’incinération d’ordures ménagères, longue de 270 mètres et haute de 40, c’est le monstre qui est en train de s’élever sur le tertre de Chérisy, à un kilomètre et demi du château de Vaux-le-Vicomte. Deux permis de construire annulés, des avis défavorables des ministères de l’Environnement et de la Culture, les protestations des riverains, rien n’y fait. Un troisième permis de construire a été délivré le 5 avril dernier par la commune de Vaux-le-Pénil, sur le territoire de laquelle sera construite l’usine, et le préfet a donné l’autorisation de l’exploiter pour vingt ans. Quand le bâtiment sera terminé, il sera non seulement dans le champ de visibilité du château (dans les parties supérieures) et du parc, mais à proximité immédiate des premières maisons de Maincy, la commune voisine. Or, aucune étude d’impact sanitaire n’a été effectuée, dénonce l’association des médecins de la ville, qui note qu’à terme les émissions de dioxyde de soufre seront multipliées par deux et celles de monoxyde d’azote par trois, sans parler des métaux lourds (plomb...). Une usine existe déjà sur le versant sud du tertre depuis 1976, et le choix d’un autre emplacement aurait obligé à dépolluer le site abandonné. C’est sans doute pourquoi aucune réflexion n’a été menée sur un site alternatif, alors que de nombreuses zones infiniment moins peuplées et exposées existent dans le département de Seine-et-Marne.

Au-delà des considérations de santé publique, la dimension patrimoniale du problème n’apparaît pas moins préoccupante. Le projet contrevient, selon l’avis du ministère de la Culture, à l’esprit de la loi sur la protection des abords des monuments historiques, et aux dispositions du Code de l’urbanisme ayant trait à la sauvegarde des perspectives monumentales. Alors qu’il avait été question il y a quelques années d’agrandir le périmètre de protection autour du domaine de Vaux-le-Vicomte, l’idée avait été abandonnée par les services de l’État. Une telle mesure aurait pourtant rendu impossible la situation actuelle, qui menace un autre site classé, la vallée de l’Adour.

Il est un autre obstacle, plus sournois, à l’action menée conjointement par la commune de Maincy, le propriétaire du château – Patrice de Vogüé – et les Amis de Vaux-le-Vicomte. Depuis le 1er janvier 2001, le sursis à exécution a disparu. Désormais, pour obtenir en référé la suspension des travaux, il faut que l’urgence soit démontrée. Or, si l’on suit la position du Conseil d’État, l’“urgence” n’est jamais démontrée. Il existe en l’espèce une sorte de prime à l’illégalité et un encouragement manifeste à la politique du fait accompli. Le tertre de Chérisy en est l’illustration caricaturale. Alors que les plaignants ont déjà gagné dix procédures, la construction de l’usine – par Vivendi – a commencé.

N’ayant pu obtenir la suspension du permis de construire du 5 avril 2001, les opposants au projet, défendus par Me Corinne Lepage, préparent un recours contre l’arrêté préfectoral d’autorisation d’exploiter. Le tribunal administratif devra alors se prononcer sur l’opportunité d’une telle installation. Mais, cette décision risque de tarder. Aussi, sans plus attendre, une pétition nationale, demandant l’arrêt immédiat de la construction et l’étude d’un site de remplacement, a été lancée (elle peut être signée, sur Internet, sur www.vaux-le-vicomte.com). L’opinion publique prise à témoin saura-t-elle empêcher cette catastrophe environnementale et patrimoniale annoncée ? On voudrait le croire.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°131 du 31 août 2001, avec le titre suivant : Ordures en vue au château de Vaux-le-Vicomte

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