Berlin

Neue Nationalgalerie

Parcours à travers l’art allemand et européen de notre siècle

Le Journal des Arts

Le 1 juillet 1994 - 699 mots

Depuis décembre 1993, la Nationalgalerie, abritée dans le célèbre édifice de Mies van der Rohe, près du Kulturforum, expose ses collections d’art moderne et contemporain dans une présentation élaborée par son directeur, Dieter Honisch. Celle-ci a été rendue nécessaire par la fusion des collections des deux galeries nationales de Berlin, celle de l’Est et celle de l’Ouest.

Berlin - Sur les quelque 500 tableaux et sculptures que le professeur Honisch a trouvés dans l’ex-Nationalgalerie de l’Est, située dans l’île des Musées – et qui, devenue Alte Nationalgalerie, abrite aujourd’hui les collections réunies du XIXe siècle –, vingt tableaux ont été retenus pour ce parcours à travers l’art allemand et européen de notre siècle.

Rappelons que la Nationalgalerie de l’Est était, comme beaucoup d’institutions culturelles de la défunte R.D.A., un musée d’un genre particulier : les collections d’art qui y étaient conservées devaient contribuer de manière déclarée "à créer la conscience nationale socialiste". Le musée de la capitale, à proximité des centres du pouvoir politique, faisait partie intégrante des plans de politique culturelle du régime de Honecker ; il était étroitement contrôlé par le S.E.D., le parti unique. Ce fut en somme, jusqu’en 1989, le plus pur concentré d’art officiel que l’on pût trouver à l’est de l’Elbe.

Le professeur Honisch se retrouvait donc avec un héritage fort embarrassant, mais il a pris la réunification très au sérieux, et c’est ainsi qu’à côté des Kandinsky, Dix et Nolde, Bacon et Picasso, Matisse et Rothko, De Chirico et Grosz, du groupe Cobra ou de Die Brücke, voici Hesig, Mattheuer, Quevedo, Sitte, Tübke, Grzimek, Modersohn-Becker… les artistes de l’ex-Allemagne de l’Est.

La polémique s’est envenimée au fil des mois, jusqu’à provoquer une intervention parlementaire envisageant la fermeture du musée. Elle porte surtout sur les quatre artistes présentés comme les "fondateurs" de l’art moderne en R.D.A. : Willi Sitte (1921), Berhard Hesig (1925), Wolfgang Mattheuer (1927) et Werner Tübke (1929). Boucs émissaires pour les uns, faux artistes et simples agents de la propagande communiste pour beaucoup d’autres, ils se trouvent actuellement au cœur de la tourmente.

"Tant que je vivrai, je n’exposerai plus dans ce pays où tous m’ont tourné le dos du jour au lendemain" a déclaré W. Sitte – membre du Parlement de la R.D.A. et du Comité central du S.E.D. jusqu’en 1989, président de l’Union des artistes de 1974 à 1988, professeur à l’Académie des beaux-arts de Halle. "En dehors de Leipzig, tous les musées des nouveaux Länder ont décroché mes œuvres des murs, pour les entreposer dans leurs dépôts, pour des raisons de place naturellement, comme on a osé me le dire parfois." Pourtant, dans la Nationalgalerie, une grande œuvre de 1967 – Leuna, 1921 – description réaliste d’une révolte ouvrière dans un style proche de celui de Dix, occupe un mur entier du foyer.

Réhabilitation de l’art officiel de l’ex-RDA ?
Selon Gabriele Muschter, secrétaire d’État à la Culture de l’ex-R.D.A. en 1990, "de tous les artistes qui ont travaillé en dehors des structures officielles, aucune trace. Où sont passés aussi ceux qui ont dû quitter la R.D.A. pour des motifs politiques ? On a l’impression qu’en quarante ans de République démocratique, il n’y a pas eu la moindre opposition : c’est une falsification de l’histoire de l’art !"

C’est là le point le plus reproché à D. Honisch ; certains le soupçonnent même de vouloir réhabiliter cet art officiel, en l’exposant à côté des plus grands noms de l’art occidental. Honisch rétorque à ses détracteurs : "Je me contente de confronter les œuvres selon le principe d’actualité et de contemporanéité, pour montrer à quel point les deux parties de l’Allemagne différaient alors."

Selon Christoph Tannert, conservateur et directeur de la Künstler­haus Bethanien et révélateur de l’art non officiel de l’ex-R.D.A., "une présentation d’art officiel requiert au moins des explications et un accompagnement pédagogique, qui font ici totalement défaut. Comment peut-on comparer des œuvres créées dans des contextes si différents ?"

D. Honisch réplique : "Ne confondons-nous pas catégories morales et catégories esthétiques, jugements sur les personnes et jugements sur l’histoire de l’art ? Au fond, plus qu’un conflit entre l’Est et l’Ouest, ou entre art moderne et art réaliste, je dirais qu’il s’agit d’un conflit de génération".

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°5 du 1 juillet 1994, avec le titre suivant : Neue Nationalgalerie

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