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ENTRETIEN

Louise Bernard : « Le musée raconte l’histoire de Barack Obama »

Directrice du musée de la Fondation Obama

Par Sarah Belmont · Le Journal des Arts

Le 29 octobre 2018 - 1117 mots

CHICAGO / ETATS-UNIS

Elle a pris ses fonctions à la tête du musée de la Fondation Obama il y a un an. L’ouverture de l’institution est prévue en 2020. Louise Bernard en révèle les grandes lignes.

Louise Bernard entourée de ses collaborateurs
Louise Bernard entourée de ses collaborateurs.
© Photo Obama Foundation

Chicago. Née au nord de l’Angleterre, Louise Bernard a effectué un cursus supérieur aux États-Unis. Elle entreprend sa thèse en études afro-américaines à Yale (Connecticut), où elle revient diriger les collections de la Beinecke Library, après avoir enseigné à l’université de Georgetown (Washington D. C.). Elle rejoint ensuite les équipes de Ralph Appelbaum Associates, l’agence de design qu’elle retrouve aujourd’hui dans le cadre de la construction du musée de la Fondation Obama, dont elle est directrice.

La ville de Chicago s’imposait-elle pour l’accueil de la Fondation et son musée ?

Oui, sans aucun doute. C’est là que Michelle Obama est née. Là que le président Obama a trouvé sa vocation de chef de file communautaire. Là que le couple s’est marié, a fondé une famille et décidé de vouer sa vie au service public. Ce sont les institutions politiques de Chicago qui ont permis à un président Obama de voir le jour. Le fondateur de la ville, Jean Baptiste Pointe du Sable [1745-1818], était noir. Sans oublier la grande migration de 1910 à 1970, qui a conduit six millions d’Afro-Américains, réprimés par les lois Jim Crow, du sud des États-Unis au Midwest ! Enfin, Chicago prône un esprit de collectivité institutionnelle. Le musée de la Fondation Obama fait déjà partie du « Museum Campus », le quartier des musées situé au sud de la ville.

L’an dernier, la Ville de Chicago était en procès avec une association qui lui reprochait de soutenir le futur musée d’art narratif du réalisateur George Lucas, un projet délocalisé à Los Angeles. Aujourd’hui elle est poursuivie par une autre organisation opposée à la construction de la Fondation Obama. Quel impact cette affaire a-t-elle sur l’avancée de vos projets ?

Nous continuons d’aller de l’avant tout en prenant très au sérieux les poursuites de Protect Our Parks qui ne souhaite pas que la Ville de Chicago – les accusations ne nous visent pas directement, en effet – autorise une institution privée à s’installer sur un terrain public. Rappelons toutefois que la fondation, quelles que soient ses sources de financement, bénéficiera à des millions de personnes.

N’y aura-t-il qu’un parcours permanent ou prévoyez-vous un cycle d’expositions temporaires ?

Le musée raconte l’histoire de Barack Obama, et l’importance de son ascension politique dans l’histoire des États-Unis, remplissant ainsi son office de « Présidential Center » [ensemble des institutions, tels les musées, bibliothèques, consacrées à un président, NDLR]. Nous travaillons main dans la main avec la NARA (National Archives and Records Administration) pour collecter des objets qui ont marqué son enfance, son mandat. Nous avons récemment lancé un appel au public pour récolter des objets, boutons, bannières, tee-shirts, posters relatifs à la campagne de 2008.

Le projet du Obama Presidential Center, à Chicago, comprenant un musée et une bibliothèque.
Le projet du Obama Presidential Center, à Chicago, comprenant un musée et une bibliothèque.
© The Obama Foundation

Les deux premiers niveaux, consacrés à la collection permanente, seront accessibles gratuitement, de même que, au dernier étage, l’observatoire qui donnera sur le lac Michigan et le sud de Chicago. Entre les deux, des expositions temporaires offriront un éclairage ponctuel sur des sujets précis. La programmation prévoit aussi un volet éducatif fort et des performances artistiques, en accord avec la politique culturelle des Obama, car le musée ne se veut pas exclusivement didactique ou engagé.

À ce propos, la collection d’œuvres d’art des Obama sera-t-elle conservée dans les salles ou les réserves du musée ?

Je ne saurais vous répondre, à ce stade. De mon côté je compte accorder une place majeure aux arts plastiques. Nous cherchons une installation contemporaine pour le hall d’accueil. Un sort particulier sera réservé aux artistes originaires de Chicago, tels Richard Hunt, Kerry James Marshall, Nick Cave. Plusieurs partenariats se mettent en place avec des musées de la ville, de l’Art Institute au DuSable Museum of African American History.

C’est la première fois que vous dirigez un musée. En quoi consiste votre rôle ?

J’ai la chance d’avoir déjà assisté à la naissance d’une institution, le Musée national de l’histoire et de la culture afro-américaines, dans le cadre de ma première collaboration avec Ralph Appelbaum Associates (RAA), l’agence de design associée à la Fondation Obama. J’ai donc quelques points de repère. Mais j’étais loin de m’imaginer que pareille opportunité se représenterait. En tant que directrice fondatrice, je chapeaute les départements de conservation aussi bien que les équipes de design, RAA donc, et d’architecture, TWB (Tod Williams Billie Tsien Architects).

Combien de personnes vous assistent dans ces tâches ?

Cinq pour le moment. J’étais seule avec, l’an passé, un « analyste », comme nous l’appelions à la Fondation. L’équipe a grandi depuis. Nous avons eu la chance que le Musée des sciences et de l’industrie ainsi que le Musée d’histoire de Chicago nous prêtent à la fois main-forte et leurs équipes. J’aimerais que, lorsque nous aurons ouvert , nos employés puissent être envoyés en renfort dans d’autres sites culturels. Mon adjointe, Lisa Grove, vient des Telfair Museums (Savannah). Son expérience au sein de diverses institutions artistiques en fait, en interne, un pilier ; je suis, de mon côté, le visage du musée pour le reste du monde. Je traite avec les donateurs, je donne des conférences…

Précisément, vous êtes « le visage du musée », pour reprendre votre expression. Pensez-vous que votre couleur de peau, en sus de vos expériences professionnelles bien sûr, ait influé sur votre embauche ?

Le fait que je sois une femme a certainement plus d’importance, à mon avis. Il va de soi que le musée est sensible aux questions de diversité, d’égalité et d’inclusion. Je m’inscris de toute évidence dans ce discours, lequel concerne l’ensemble de la Fondation. Mon parcours universitaire, parce qu’il est interdisciplinaire, pèse pourtant plus lourd dans la balance. Le musée de la Fondation Obama a beau se concentrer sur l’histoire des Afro-Américains, il est tourné vers l’international. Ne serait-ce qu’en interne. Nos équipes regroupent des individus d’âges et d’horizons variés, et non uniquement des anciens de la Maison Blanche, comme on pourrait le croire.

Comment avez-vous décroché cet emploi ? Avez-vous postulé ou bien vous est-il « tombé dessus » par surprise ?

Un peu des deux. La RAA, où je travaillais encore, a remporté le concours d’architecture lancé par la Fondation Obama, au moment même où j’avais accepté, ce que je croyais alors être l’emploi de mes rêves, à la New York Public Library. Trois mois plus tard, je recevais une offre d’un cabinet de recrutement, influencé par l’un des membres du conseil d’administration de la Fondation. Six mois plus tard, Martin Nesbitt, le président de ce conseil, me convoquait à mon ultime entretien, mené par les Obama. Et Robbin Cohen, le directeur exécutif de la Fondation, de m’offrir officiellement le poste, peu après.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°509 du 19 octobre 2018, avec le titre suivant : Louise Bernard, directrice du musée de la Fondation Obama : « Le musée raconte l’histoire de Barack Obama »

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