Les travaux de François Lemoyne

Le plafond du salon d’Hercule, au château de Versailles, a été restauré

Le Journal des Arts

Le 11 mai 2001 - 993 mots

Après deux ans de restauration, le plafond du salon d’Hercule est rendu aux visiteurs du château de Versailles. En le débarrassant des séquelles de précédentes restaurations, l’intervention a rendu un peu de sa clarté à L’Apothéose d’Hercule de François Lemoyne (1688-1737), une œuvre capitale dans l’histoire de l’art français. Une exposition accompagne cet événement.

VERSAILLES - Il y a un peu plus d’un an, une visite sur les échafaudages coiffant le salon d’Hercule nous avait permis de découvrir l’œuvre de Lemoyne à l’issue du nettoyage préliminaire. La suppression des vernis anciens avait dévoilé les repeints successifs, qui ont à leur tour été enlevés, à l’instar des mastics. Une fine pellicule de vernis a tout de même été conservée. Presque à vif, la peinture présentait un visage blafard. Aujourd’hui, après la réintégration des lacunes, et la pose d’un nouveau vernis, l’œuvre a retrouvé sa palette claire et lumineuse, caractéristique de la manière de François Lemoyne.

Chef-d’œuvre de l’art français, L’Apothéose d’Hercule constitue en même temps l’apogée de l’influence italienne dans notre pays. Et, pourtant, l’artiste l’a voulu comme une réponse aux peintres vénitiens très présents à Paris au début du XVIIIe siècle, et plus particulièrement à Gian Antonio Pellegrini, qu’il avait ardemment combattu lors de la commande pour la Banque royale. À l’évanescence, à la légèreté des figures du Vénitien, il oppose la densité du réel et se détourne d’une trop grande facilité. Refusant le fa presto italien, l’artiste français “apporte un soin exceptionnel au fini”, souligne Xavier Salmon, conservateur des peintures des XVIIe et XVIIIe siècles à Versailles. “Tous les contemporains ont noté combien ce plafond était abouti, achevé. La restauration a mis en valeur ce fait”. Vus de près, les dieux et autres muses apparaissent en effet fermement dessinés, et la gamme chromatique très subtile. L’œuvre restaurée rappelle que Lemoyne n’avait rien à envier à ses rivaux dans la maîtrise de l’espace et du coloris.

Une leçon de mythologie
Dévoilé le 26 septembre 1736, ce plafond vaut à l’artiste le titre de premier peintre du roi, et, accessoirement, les éloges du cardinal de Fleury. Il ne profitera guère de ce succès puisqu’il se suicide quelques mois plus tard. Plus grande composition peinte d’Europe (18,5 mètres sur 17) avant le tour de force de Tiepolo à Wurzbourg, L’Apothéose d’Hercule, avec son cortège de divinités, s’apparente à une véritable leçon de mythologie : accompagné des Heures et des Muses, Hercule sur son char vient recevoir la main d’Hébé en récompense de sa vertu, sous l’œil des dieux de l’Olympe. À Versailles, cette vaste mise en scène s’affirme en rupture avec les conceptions de Le Brun, telles qu’elles apparaissent dans la galerie des Glaces. Pourtant, le premier projet avec un plafond compartimenté avait repris le parti esthétique des grands appartements. Jugé rétrograde par le duc d’Antin, surintendant des Bâtiments, il sera revu par Lemoyne, qui a laissé à Paris d’autres décors plafonnants, une Transfiguration à Saint-Thomas-d’Aquin et une Glorification de la Vierge à Saint-Sulpice.

En trois ans (1733-1736), Lemoyne a mené à bien ce chantier, soutenu seulement par deux aides, Dutillieux pour les fleurs, Nonotte pour la préparation des couleurs et la mise en place de certains détails. En revanche, la quadratura est l’œuvre d’un autre atelier. Les toiles vierges avaient été collées sur un lattis de bois enduit de plâtre, puis peintes directement sur l’échafaudage. Rendues nécessaires par une utilisation continue (des milliers de bougies ont été brûlées lors du mariage de Madame Infante !) et par quelques faiblesses structurelles, les restaurations ont commencé dès le XVIIIe siècle. Puis au siècle suivant, de nouvelles interventions ont produit des dommages irréversibles. Entre 1881 et 1885, le plafond a été entièrement “démarouflé”. Avant l’arrachage, on avait procédé à l’enlèvement des repeints et des mastics. De la potasse avait été appliquée sur les raccords de lés, entraînant une disparition de la peinture. Par ailleurs, lors de la réalisation de l’œuvre, l’artiste avait pris quelques libertés avec certaines règles élémentaires. À l’origine, le groupe d’Hercule était trop près de la corniche ; Lemoyne avait donc repeint sur cette première version pour le déplacer vers le centre. Comme il l’a fait sur la couche inférieure qui n’était pas encore sèche, un réseau de craquelures s’est développé sur toute la partie repeinte. Pour remédier à ces diverses pathologies, une campagne de restauration a été entreprise, pour près de neuf millions de francs (dont 2,6 sont pris en charge par un mécène, en l’occurrence BNP-Paribas). Cette opération comprend aussi le nettoyage du décor de marbres. Treize restaurateurs ont travaillé sous la direction d’Anthony Pontabry. Deux se sont occupés de la structure et ont dû opérer de nombreuses interventions de refixage et de consolidation ; les onze autres ont nettoyé la couche picturale et procédé à la réintégration. Résultat, la gamme chromatique s’est éclaircie, ce qui “permet de détruire certaines idées reçues sur la concurrence avec Véronèse, dont le Repas chez Simon est accroché dans ce même salon”, conclut Xavier Salmon.

La genèse d’un chef-d’œuvre

Pour préparer au mieux l’exécution de cette commande complexe, François Lemoyne avait réalisé un modello “en forme�?, d’une taille douze fois inférieure à celle du plafond. Cette maquette unique dans l’histoire de l’art français est conservée à Versailles, et sera au cœur de l’exposition accompagnant la fin de la restauration du salon d’Hercule. Conçue par Xavier Salmon, elle évoque la genèse difficile de L’Apothéose d’Hercule. Après avoir commencé à peindre, l’artiste avait dû revoir sa composition, en réduisant la taille des personnages ; il a alors dû ajouter 40 figures pour combler le vide laissé par cette diminution d’échelle. Elles sont 142 dans l’œuvre achevée. De nombreuses études dessinées présentées ici montrent le soin apporté au travail préparatoire. À Versailles, Lemoyne a également peint un tondo pour le salon de la Paix, représentant Louis XV donnant la paix à l’Europe.
- FRANÇOIS LEMOYNE À VERSAILLES, jusqu’au 12 août, château de Versailles, appartements de Madame de Maintenon, 78000 Versailles, tél. 01 30 83 78 00, tlj sauf lundi 9h-18h30. Catalogue.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°127 du 11 mai 2001, avec le titre suivant : Les travaux de François Lemoyne

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