Musée

Le Havre dévoile son musée

Un parcours bien pensé dans un espace difficile

Par Nathalie Jérosme · Le Journal des Arts

Le 2 avril 1999 - 650 mots

LE HAVRE

Après deux ans de travaux de consolidation et de réagencement, le Musée Malraux du Havre rouvre ses portes sur un espace intérieur entièrement remodelé. Tout en restant fidèles à l’esprit originel de flexibilité et de transparence des lieux, les architectes ont su l’adapter à sa vocation de musée moderne : une bibliothèque, un auditorium, une cafétéria ont été créés, et des fonds jusqu’alors en réserves ont pu être accrochés. Reste un problème d’éclairage qui nuit aux rares mais splendides tableaux anciens.

LE HAVRE - Derrière la toile, la mer. Tel pourrait être le slogan du Musée Malraux, large bloc de verre situé face au port du Havre. Inauguré en 1961, ce bâtiment relève d’un projet et d’une architecture utopiques. Avec son système ingénieux d’éclairage zénithal et de pare-soleil conçus par Jean Prouvé, ses parois vitrées ouvertes sur la ville, ses espaces modulables signés Guy Lagneau et Raymond Audigier, il a accueilli, durant les six premières années de son existence, la Maison de la culture en plus des collections municipales. Mais la cohabitation s’est révélée difficile à gérer, et le centre culturel a déménagé. De même, il est vite apparu que des murs transparents n’étaient guère adaptés à la conservation ou à l’exposition de tableaux. Aussi, en 1994, la municipalité confie-t-elle à Laurent et Emmanuelle Beaudoin, assistés de Sandra Barclay et Jean-Pierre Crousse, le soin de consolider l’extérieur et de remodeler les volumes intérieurs.

De l’idée originelle, les architectes ont conservé l’inscription dans le site, la luminosité et la flexibilité des espaces. Des vitres traitées, des volets en verre sérigraphié, des stores et un système de climatisation ont permis de domestiquer en partie la lumière et ses effets secondaires, tout en gardant la vue sur le port. Sans tomber dans l’imitation anecdotique, le bâtiment a d’ailleurs l’allure d’un paquebot, avec sa passerelle d’accès franchissant des douves, le mariage de structures métalliques blanches et d’éléments en acajou, l’alternance de mezzanines avec des espaces occupant toute la hauteur, à la manière de ponts et d’entreponts... Grâce à ces loggias ouvertes, le public peut, en tout point de sa visite, appréhender la structure générale de l’édifice, qui s’organise autour d’un vaste hall. Celui-ci est découpé par des cimaises basses mobiles (certaines sont même montées sur roulettes), et peut former deux galeries distinctes grâce à des cloisons coulissantes.

Deux traitements différents
Un tel choix architectural laisse une grande liberté de circulation. Alors que le parcours officiel débute à l’étage avec deux superbes peintures de l’Albane, le visiteur est spontanément amené à déambuler au rez-de-chaussée, baigné d’une belle lumière tamisée, parmi les joyaux impressionnistes et fauves du musée. Organisé par collections – legs Marande, acquisitions municipales, legs Dufy –, le parcours dresse à la fois une chronologie de l’art moderne, de Claude Monet à Jean Dubuffet, et une histoire du goût.

Le parti pris pour l’art ancien est différent. Quantitativement, celui-ci est moins bien représenté, mais il compte quelques chefs-d’œuvre incontournables. La conservatrice Françoise Cohen a donc judicieusement choisi de grouper par genres les tableaux des XVIIe et XVIIIe siècles. Malheureusement, l’architecture et l’éclairage n’avantagent pas ces peintures. Le visiteur passe sans cesse de salles lumineuses en salles sombres, et son regard, ébloui, est davantage attiré par l’animation du hall central que par des cimaises obscures, même si ces dernières portent, par exemple, trois magnifiques tableaux de Ter Brugghen, Vouet et Ribera. Dans les parties plus lumineuses, l’éclairage latéral nuit aussi aux peintures dont la couche picturale est craquelée. Le brillant Portrait de jeune homme par Vouet n’est plus qu’un volcan en éruption.

Un peu plus loin, 122 études d’Eugène Boudin couvrent une longue cimaise suspendue. L’idée n’est pas mauvaise – avec deux cents œuvres du peintre, c’est le fonds emblématique du musée, et il était bon de sortir ces pièces des réserves –, mais on ne peut s’empêcher de comparer la qualité de l’éclairage accordée à ces esquisses avec celle des chefs-d’œuvre des maîtres anciens.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°80 du 2 avril 1999, avec le titre suivant : Le Havre dévoile son musée

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