L’avenir des Centres d’art: L’exemple de l’Allemagne…

Antériorité et autonomie de gestion caractérisent les Kunsthalle, structure équivalente outre-Rhin pour la diffusion de l’art vivant.

Le Journal des Arts

Le 1 juillet 1995 - 641 mots

En France, l’avenir des Centres d’art est l’un des dossiers qu’ont à traiter le nouveau gouvernement et les nouvelles municipalités, sortis des dernières élections. Le Journal des Arts s’intéresse à deux expériences étrangères en matière d’art contemporain, les Kunsthalle allemandes et les institutions belges.

DÜSSELDORF - Comme les Centres d’art français, les Kunsthalle ne gèrent pas de collection et organisent des expositions, renouvelées tous les deux mois environ. Mais deux caractéristiques majeures différencient le système allemand du français : l’intérêt pour l’art contemporain a été plus précoce outre-Rhin, et le fédéralisme allemand a donné d’emblée une autonomie de gestion aux structures locales.

La plupart des Kunsthalle ont été créées dans les années soixante, tandis que la création des Centres d’art ne date que de dix à vingt ans. "Après la Seconde Guerre mondiale, on a voulu créer des institutions culturelles pour l’éducation du plus grand nombre. Il a même existé une sorte de concurrence culturelle entre les villes, explique Marie-Luise Syring, conservatrice à la Kunsthalle de Düs­seldorf. À partir de 1960, avec l’essor du marché de l’art, des médecins et des industriels ont bâti leur réputation sur leur collection. Tout cela a contribué à une grande ouverture sur l’art contemporain, surtout en Rhénanie avec l’aide du collectionneur Peter Ludwig."

Si, en France, la plupart des Centres d’art sont nés sous l’impulsion de l’État, les Kunsthalle ont été créées par des villes comme Cologne, Francfort, Düsseldorf, Hambourg, Stuttgart, Munich ou Berlin. De ce fait, les Kunsthalle ne reçoivent pas de financement mixte. Les "Länder", qui sont l’équivalent de nos régions, ne participent qu’au financement d’événements supra-communaux, comme les festivals. Une Kunsthalle est ainsi entièrement gérée par la Ville, dont l’adjoint à la Culture nomme le directeur sans limitation de durée. En cas de changement politique, le directeur reste en place.

Les salaires sont fixés par des barèmes qui varient selon la taille de la ville mais sont équivalents à ceux des écoles ou des universités (la Kunsthalle de Düs­seldorf emploie par exemple 16 personnes : secrétaires, techniciens, caissiers, administrateurs et conservateurs). Les dépenses sont vérifiées par le contrôleur financier de la mairie, puisque le budget de la Kunsthalle est directement pris sur celui de la Ville. Pour cette raison, Marie-Luise Syring estime que les écarts de gestion reprochés au Magasin de Grenoble ou au Capc de Bordeaux (qui est doublé d’un musée), ne pourraient "a priori" pas se produire en Allemagne.

Mécénat en nature
Sur 1 400 m2 de surface d’exposition, la Kunsthalle tourne avec un budget équivalent à trois millions de francs par an. Les expositions sont plutôt tournées vers des artistes confirmés. La fréquentation varie de 40 à 120 000 visiteurs pour les expositions de type historique et tourne autour de 10 000 visiteurs pour celles consacrées à des artistes vivants, tel Jeff Wall l’an passé. Si le programme de la Kunsthalle laisse cette année peu de place à l’art contemporain (une exposition sur le design japonais, puis une autour de Pollock et de Siqueiros), ce n’est que pur hasard. L’an prochain, quatre expositions personnelles et une collective seront consacrées à des artistes vivants.

Les expositions de jeunes artistes ou d’artistes locaux sont organisées par une autre structure, plus réduite : la Kunstverein, association de collectionneurs et d’amateurs, qui dispose de 400 m2 au sein du même bâtiment.
"Les Kunsthalle font aussi appel au mécénat, précise Marie-Luise Syring. Par exemple, à Düsseldorf, nous avons reçu l’aide des aciéries Mannesmann et de la compagnie aérienne LTU. Mais ce sont souvent des aides en nature, ou affectées à un domaine déterminé : le catalogue, la publicité, les assurances, le transport…"

Toutefois, elle redoute que la croissance du mécénat fasse disparaître, dans les institutions de villes de moindre importance, "l’indépendance de la programmation". D’autant plus que "ces dernières années, beaucoup de municipalités plus conservatrices ont tendance à faire d’abord des sacrifices sur la Culture."

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°16 du 1 juillet 1995, avec le titre suivant : L’avenir des Centres d’art: L’exemple de l’Allemagne…

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