L’ambition sociale de la Tate

Animations de quartier et formations au rendez-vous

Le Journal des Arts

Le 6 novembre 1998 - 751 mots

Comme en France ces dix dernières années, de nombreux musées britanniques et américains ont tenté d’élargir leur public. Aujourd’hui, la Tate Gallery engage de nouvelles expériences délibérément “sociales�?.

LONDRES (de notre correspondante) - Thomas Krens a réussi il y a quelques mois à attirer au Guggenheim de New York un très vaste public avec son exposition de motos. Pourtant, le directeur reconnaît qu’il ne renouvellera sans doute pas cet exploit avec une manifestation plus conventionnelle. La Tate Gallery aborde le problème de façon plus créative. “Nous ne voulons pas arriver comme une fleur quand nous ouvrirons en l’an 2000”, déclare la nouvelle directrice des expositions de la future Tate Gallery of Modern Art, Iwona Blazwick, qui a débuté sa carrière à l’Institute of Contemporary Art (ICA) de Londres. Après avoir dirigé l’Air Gallery, elle est retournée à l’ICA comme directrice des expositions. Elle y travaillait quand le centre d’art a innové en juxtaposant art ancien et contemporain, présentant côte à côte des tableaux de Tony Bevan, les visages grotesques de Franz-Xavier Messerschmidt et les sculptures d’Arnulf Rainer. Elle espère renouveler de temps en temps ce type de présentation à Bankside. À la Tate Gallery, dit-elle, “nous sommes bien conscients de travailler dans un domaine où beaucoup d’autres font déjà un excellent travail : la Serpentine Gallery, la Whitechapel, l’ICA et la Hayward Gallery. La Tate a pour rôle d’entreprendre ce que les autres ne peuvent pas faire, faute de moyens ou d’espace”.

Après avoir utilisé les murs de cette ancienne centrale électrique de Southwark, à Bankside, comme écran de cinéma en plein air, la Tate Gallery cherche à nouer des liens avec son quartier. Dawn Austwick, directrice du projet de Bankside, travaille de pair avec un administrateur de la municipalité, George Cochrane. Elle a envoyé nommément à tous les habitants du quartier une invitation à venir au centre d’accueil de Bankside pour consulter les plans du musée et rencontrer les artistes. Cette initiative a eu un beau succès, malgré le bruit et la poussière causés par les travaux.

Formation pour les chômeurs
Dawn Autswick souhaitait également anticiper le phénomène qui accompagne bien souvent l’ouverture d’une institution artistique dans un quartier pauvre : le prix de l’immobilier augmente sans que les habitants en tirent bénéfice ; tout juste peuvent-ils espérer un poste de gardien ou de serveur au musée. De concert avec le Design Museum, le South Bank Center et le National Theatre – les trois institutions importantes de Southwark, sur la rive sud de la Tamise –, la Tate a mis au point des programmes de formation pour les chômeurs du quartier. Ces enseignements préparent à de nombreux métiers : régisseur, technicien de musée, employé aux caisses d’entrée... À la fin de la formation, tous les candidats obtiennent un entretien d’embauche. Et si, finalement, ils ne trouvent pas d’emploi, ils ont au moins appris un métier.

Dans la même optique, Iwona Blazwick et le conservateur Frances Morris ont organisé plusieurs événements artistiques qui s’apparentent davantage à des fêtes de quartier qu’à des expositions classiques d’art contemporain. La Tate Gallery souhaite aussi toucher la population plus riche et conservatrice de la City, sur la rive opposée de la Tamise. Lars Nittve, directeur de la Tate Gallery of Modern Art, a par ailleurs demandé à Iwona Blazwick de réfléchir à la présentation de l’art du XXe siècle dans les expositions et les collections du musée. La Tate a consulté à ce sujet de nombreuses personnalités, historiens de l’art et artistes. “Nous essayons de montrer qu’il n’y a pas une histoire unique du XXe siècle, même si les musées n’en ont avancé qu’une seule, selon un modèle trop linéaire et trop compartimenté. Un mouvement en “isme” ne suit jamais réellement le précédent. Ils se chevauchent. Je crois que les artistes se sont sentis très frustrés d’être catalogués”, explique-t-elle.

La Tate Gallery of Modern Art sera reliée à la City par le Millennium Bridge, réalisé par les architectes Norman Foster & Partners, les ingénieurs d’Ove Arup & Partners et le sculpteur Anthony Caro. Le budget de 15,7 millions de livres sterling est financé par l’association caritative Bridge House Estates (3,5 millions), la Millennium Commission (7,2 millions), la banque internationale HSBC Holdings (3 millions) et le Governement Office for London (1 million). Il reste encore un million à trouver. Les travaux, qui viennent de commencer, devraient être terminés en avril 2000. Ce pont, le premier construit à Londres sur la Tamise depuis le Tower Bridge en 1894, sera aussi le seul à être uniquement réservé aux piétons.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°70 du 6 novembre 1998, avec le titre suivant : L’ambition sociale de la Tate

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