Handicap

L’accessibilité en panne

Un député s’inquiète de l’absence de financements destinés à la mise en accessibilité des musées et monuments

Par Sophie Flouquet · Le Journal des Arts

Le 5 janvier 2010 - 690 mots

PARIS - Depuis le 1er janvier 2010, tous les musées et monuments appartenant à l’État doivent être en mesure de présenter un diagnostic précis de leur accessibilité aux personnes handicapées, bilan réunissant état des lieux, description des travaux et chiffrage précis.

L’obligation émane d’une loi de 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Le texte prévoit que tous les édifices recevant du public devront être accessibles en 2015, au risque d’une fermeture pour les contrevenants. À l’occasion de l’examen des crédits de la mission « Culture » pour 2010, le député Marc Bernier (UMP) s’est penché sur le sujet en établissant un bilan à mi-parcours de son application. « Notre patrimoine monumental a été en grande partie construit pour être inaccessible : le rendre totalement accessible relèverait de la gageure », relativise Marc Bernier. Celui-ci souligne par ailleurs l’existence de « zones d’ombre » dans la mise en œuvre de la loi, notamment dans le domaine de la formation des architectes et professionnels du cadre bâti. S’il apparaît que le ministère de la Culture a globalement joué le jeu, en lançant une série de diagnostics – malgré la difficulté à trouver des « diagnostiqueurs » réellement compétents sur les problématiques spécifiques liées au patrimoine –, la lecture du rapport du député ne peut que susciter l’inquiétude.
 
En ce qui concerne les musées nationaux, les travaux pourront être programmés dès 2011, même si les études, lancées en 2008, seront remises avec quelques mois de retard. Les musées nouvellement construits ou en projet doivent désormais prendre en compte les différents handicaps dès leur conception. Le rapporteur met toutefois en lumière un cas aberrant : inauguré en 2006, le Musée du quai Branly, à Paris, a dû investir près d’un million d’euros depuis cette date pour sa mise aux normes en termes d’accessibilité !
 
Pour les monuments historiques, la situation se révèle encore plus complexe. Si des dérogations peuvent être accordées dès lors que la mise en accessibilité menace la conservation de l’édifice au titre du patrimoine architectural, des « mesures de substitution » devront être prises. Dès 2003, le Centre des monuments nationaux (CMN), dont l’action est jugée « exemplaire », s’est attelé à la tâche en lançant une série de protocoles destinés à améliorer l’offre d’accueil et l’éventail de propositions culturelles. Dans tous ces établissements, musées et monuments, où les handicaps sont pris en compte dans le cadre de la politique des publics, l’inquiétude porte donc sur le financement des travaux qui seront préconisés par les diagnostics.
 
De 2007 à 2010, le CMN aura ainsi déjà investi 4,38 millions d’euros ; il estime que le budget moyen de mise en accessibilité s’élèvera à 1,5 million d’euros par monument et à un montant compris entre 200 000 à 600 000 euros pour les mesures compensatoires. De son côté, la direction des Musées de France (DMF) affirme avoir déjà dépensé près de 2,6 millions d’euros en études et travaux. Or aucune ligne budgétaire spécifique n’est prévue dans le budget de la mission « Culture » pour accompagner cette campagne de mise en accessibilité, les établissements publics la finançant sur leurs fonds propres. La DMF, qui insiste sur « la nécessité de disposer rapidement d’une enveloppe budgétaire très importante », note que « cette politique rejaillira sur un certain nombre de travaux à réaliser dans tous les musées de France ». D’autant, comme le souligne Marc Bernier, que le Fonds interministériel pour l’accessibilité aux personnes handicapées des bâtiments anciens appartenant à l’état (FIAH), créé en 1994 pour financer études et travaux, est inactif depuis 2009 et le sera encore en 2010 « du fait de l’absence de dotations ». Cela alors que les besoins vont aller croissant d’ici à 2015. Le député évoque ici la piste du mécénat pour pallier cette carence, et propose la création de fonds de dotations « accessibilité ». Pas sûr, toutefois, que les mécènes se bousculent pour financer cette énième mission de service public dont l’État tente de se décharger. D’autant que les collectivités et les propriétaires privés d’édifices recevant du public devront s’acquitter des mêmes obligations.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°316 du 8 janvier 2010, avec le titre suivant : L’accessibilité en panne

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