Musée

Réouverture de la Royal Academy

L’institution londonienne a relié son bâtiment principal à l’immeuble acquis en 2001. L’école et sa collection permanente sont désormais mises en avant dans un ensemble réussi et détonant.

La passerelle Weston et la cour Lovelace de la nouvelle Royal Academy.
La passerelle Weston et la cour Lovelace de la nouvelle Royal Academy.
Photo Simon Menges

Londres.« Oh, comme c’est… hum, intéressant… »À peine a-t-elle poussé la porte de l’espace de la collection permanente de la Royal Academy que cette sexagénaire file dans la salle suivante, où ses yeux s’adaptent visiblement mieux aux tableaux de John Constable. Elle n’est pas la seule à être choquée par cette monumentale représentation de 4,3 mètres de haut de Satan nu du peintre Thomas Lawrence. Les visiteurs sourient, froncent les sourcils, voire baissent le regard, comme foudroyés par le visage illuminé et les yeux sombres de l’ange déchu.

Après dix années d’études et deux années et demie de travaux ayant coûté la bagatelle de 56 millions de livres sterling (64 M €), la Royal Academy of Arts voulait marquer les esprits. Cet espace, dont l’accès sera gratuit, a d’ores-et-déjà rempli cet objectif. Surtout que dans les salles situées derrière cette œuvre se cachent la copie quasi intégrale de La Cène de Léonard de Vinci attribuée à Giampietrino, le tableau Leda et le Cygne de Michel-Ange et sa sculpture Tondo Taddei.

L'escalier d'entrée de la Royal Academy.
L'escalier d'entrée de la Royal Academy.
Photo Rory Mulvey

La Royal Academy est l’une des plus anciennes institutions artistiques privées de Londres. Fondée il y a tout juste 250 ans, elle a toujours mêlé architecture, études et arts. Après plusieurs déménagements, elle s’installe en 1868 à la Burlington House, sur Piccadilly, l’une des principales artères du centre de la capitale anglaise, grâce à la signature d’un bail de 999 ans auprès de l’État pour un loyer annuel symbolique d’une livre sterling. Lorsqu’elle acquiert en 2001 le 6 Burlington Gardens, un bel immeuble situé derrière ses locaux ayant servi notamment à la British Academy et au Musée de l’humanité, la direction utilise cette extension pour y organiser ses expositions d’envergure plus modeste.

Ses responsables ne comptent pourtant pas s’arrêter là. Malgré deux échecs liés à des complications techniques, l’idée de rassembler les deux bâtiments est ravivée en 2007 par l’entrée à la Royal Academy de l’architecte David Chipperfield, qui a construit de nombreux musées autour du globe. Il est choisi l’année suivante pour travailler sur ce projet, dont son cabinet achèvera les plans en 2015. Entre-temps, l’institution s’est dotée en 2011 d’un président, Christopher Le Brun, qui admet « avoir été élu pour intégrer Burlington Gardens à l’ensemble de l’Académie. Pour continuer à contribuer au monde de l’art et de l’architecture, nous avions besoin d’une plateforme forte. » Avant de se mettre à rêver : « J’aimerais faire de la Royal Academy la nouvelle Burlington Arcade, où les gens traverseraient le quartier en voyant des œuvres d’art »… plutôt qu’en lorgnant les chausseurs, tailleurs et bijoutiers de luxe installés dans le passage couvert voisin.

Une architecture centrée sur sur les ateliers des étudiants

Pour ce faire, l’institution a radicalement modifié l’organisation et l’architecture de ses édifices. « La question a toujours été : que faire de ce bâtiment, un joli immeuble qui s’est érodé au fils des ans ? », raconte David Chipperfield. « Il était probable que relier les deux bâtiments permettrait de donner de l’oxygène à l’ensemble. Cela n’était pourtant pas aisé : nous ne pouvions pas relier les étages supérieurs, car le chemin aurait traversé les principales salles, destinées aux expositions ; et passer par en bas nous obligeait à perturber l’école, inchangée depuis son ouverture, il y a plus de 200 ans. »

Les architectes et la direction choisissent cependant cette seconde option. Non seulement les ateliers des 51 étudiants ont été perturbés, mais ils ont en plus pris une place centrale dans cette rénovation. Les soubassements du bâtiment ont été nettoyés, les briques blanches grattées : le chemin qui rejoint l’actuelle entrée principale à celle de Burlington Gardens traverse des coins reclus et leur antre, autrefois caché du public, avant d’arriver dans une salle d’exposition, « qui servira de vitrine à l’école », assure Peter Jurschitzka, l’architecte en charge du projet. Cette approche s’inscrit dans l’état d’esprit du lieu. « Nous ne voulons pas être un musée, car nous sommes une académie, un lieu où l’on apprend et étudie », assure l’architecte français Adrien Gardère, dont le studio avait notamment été chargé de la muséographie et la scénographie du Musée Louvre-Lens et du Musée de Narbonne. « Nous avons donc commencé la narration depuis le centre, où l’école vit, et non pas depuis ses entrées. »

La remontée des resplendissantes entrailles de la Royal Academy se réalise à travers un pont de ciment brut. Il passe au-dessus d’une petite cour verdoyante, réservée aux étudiants, avant d’entrer dans les nouvelles salles de Burlington Gardens. Et permet de découvrir sous un jour nouveau leurs proportions, remarquablement mises en valeur.

 

 

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°502 du 25 mai 2018, avec le titre suivant : La Royal Academy réaménage en profondeur son architecture

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