Guayasamin, la liberté par la création

Par Martine Robert · L'ŒIL

Le 19 mai 2010 - 641 mots

À la chapelle de l’Homme, déclarée « projet prioritaire de l’humanité par l’Unesco », sont présentées les œuvres monumentales d’Oswaldo Guayasamin, héros équatorien, chantre de la tolérance.

Oswaldo Guayasamín, né à Quito en 1919, est le premier rejeton d’une famille humble de dix enfants. Oswaldo connaît une enfance de privations et de pauvreté qui laissera des traces indélébiles. Dès l’âge de sept ans, il s’exprime par la peinture. En 1932, il entre à l’école des Beaux-Arts et devient rapidement le meilleur élève, tout en s’opposant aux modèles et traditions en vigueur. La cruauté de la vie, sa violence, ses injustices le révoltent et lui inspirent Les Enfants morts, tableau qui représente un amoncellement de cadavres dans une rue de Quito ; parmi ces morts, Manjarrés, son meilleur ami, tué par une balle perdue.

Guayasamín prend position face aux discriminations qui touchent les Indiens, les Noirs, les faibles. Son nom, son origine indienne, la crise des années 1930, la révolution mexicaine, la guerre civile espagnole lui font ressentir une réalité toujours plus accablante. Ses positions idéologiques se reflètent tant dans son œuvre que dans ses engagements politiques. Militant de la paix, il soutient les peuples opprimés, s’oppose aux dictatures.

Dans les années 1940, il reçoit de nombreuses récompenses pour son travail et commence à voyager à travers le monde. En Amérique du Sud, il réalise les croquis d’une série de cent trois tableaux, Le Chemin des lamentations. En créant en 1976 avec ses enfants la fondation Guayasamín, il fait don à l’Équateur de tout son patrimoine. Parmi sa collection majeure, L’Âge de la colère, peinte entre 1964 et 1984, qui évoque la guerre civile espagnole, les invasions nazies, les agissements de la CIA et l’impérialisme américain, les tortures infligées par les dictatures chilienne, argentine, uruguayenne.

On peut découvrir quelques-unes de ses œuvres monumentales (il en a réalisé plus d’une centaine) particulièrement émouvantes à la Capilla del Hombre (« la chapelle de l’Homme »). Cet espace architectural étonnant, déclaré par l’Unesco « projet prioritaire pour l’humanité », est inspiré d’un temple inca et recouvert de plaques de cuivre offertes par des mineurs chiliens. Un exercice de style qui incarne les valeurs de l’homme précolombien et sa lutte contre la colonisation.

À l’intérieur, l’éventail est représentatif des peintures et sculptures de l’artiste et de ses influences : Picasso, le Greco, Goya… Une flamme perpétuelle brûle au centre pour la défense de la paix et des droits de l’homme. Parmi les œuvres marquantes, Lágrimas de Sangre dénonce le régime de Pinochet, Los Mutilados, le franquisme. La Ternura est un hommage tendre de Guayasamín à sa mère et El Mestizaje représente une petite fille se réveillant, métaphore de l’Amérique latine sortant de la colonisation.

De la Capilla del Hombre, on peut redescendre vers la très belle villa où vivait l’artiste, décédé en 1999, vouée aujourd’hui au musée qui porte son nom. On y trouve la collection d’art colonial de Guayasamín, la galerie où il exposait et son atelier. À ne pas manquer, le polyptyque La Espera avec ce visage émacié et ce corps décharné, Los Manos, une composition sur le thème des mains priant, protestant, méditant, qui a beaucoup inspiré Guayasamín. Sur le toit-terrasse, un bel ensemble de sculptures est présenté. nMartine Robert

Une Alliance française très active

L’Alliance française de Quito existe depuis 1953. La popularité de la France en Équateur fait que celle-ci est très dynamique. D’ailleurs, elle n’a pas hésité à investir dans les locaux dont elle est propriétaire, preuve de son ancrage local. Construit par le célèbre architecte Diego Banderas, le bâtiment de l’organisation a même gagné en 1983 le prix de la plus belle façade des Alliances françaises. Outre l’accueil de 1 500 à 1 600 étudiants chaque trimestre, elle affiche une ambitieuse programmation culturelle : galerie photographique, expositions de plasticiens français ou équatoriens, spectacle vivant, médiathèque, édition de catalogues…

www.afquito.org.ec

El Centro Cultural Metropolitano

Il occupe les anciens bâtiments de l’ordre des jésuites, le plus puissant de Quito avant l’indépendance. Par la suite, cet édifice fut transformé en caserne par les troupes royales espagnoles. Dans ses cachots, des révolutionnaires qui s’étaient soulevés en 1809 furent emprisonnés avant d’être exécutés. Suite à cet événement, Simón BolÁ­var, choqué, s’engagea totalement dans la lutte contre l’Espagne. Une sorte de musée de cire retrace cet épisode, ainsi que l’épopée du savant français La Condamine dans sa mission géodésique, et évoque le rôle des jésuites dans la propagation du savoir… Sont également conservées ici des pièces d’art sacré des xvie et xviie siècles ainsi que des œuvres du début du xxe. Dans le patio, on peut voir la colonne qui servait de pilori.

www.centrocultural-quito.com

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°625 du 1 juin 2010, avec le titre suivant : GuayasamÁ­n, la liberté par la création

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