La Tate se réorganise

Entretien avec Nicholas Serota, directeur de la Tate Gallery

Le directeur du site de Millbank s’explique

Le Journal des Arts

Le 11 septembre 1998 - 692 mots

Le directeur de la Tate Gallery, Nicholas Serota, vient de restructurer complètement l’institution londonienne qui s’apprête à s’agrandir. La Tate Gallery of Modern Art de Bankside ouvrira dans deux ans et viendra s’ajouter au bâtiment principal de Millbank, à la Tate Gallery de Liverpool et à celle de St Ives en Cornouailles.

Stephen Deuchar et Lars Nittve viennent d’être respectivement nommés directeurs des espaces de Millbank et de Bankside. L’innovation vient de ce que ni l’un ni l’autre ne disposeront de collections ni de conservateurs attitrés, ceux-ci dépendant d’un troisième directeur, Jeremy Lewison. Le site de Millbank restera le siège de l’administration. Appelé dorénavant “Tate Gallery of British Art" (TGBA), il verra son espace s’agrandir de 35 % une fois que la rénovation du bâtiment estimée à 32 millions de livres, 315 millions de francs sera achevée en 2001. Son directeur, Stephen Deuchar, âgé de quarante et un ans, est un ancien conservateur spécialiste de l’art anglais du XVIIIe siècle. Il a également dirigé la grande rénovation du National Maritime Museum. Il nous présente ses projets.

Comment concevez-vous aujourd’hui le rôle d’une collection nationale ?

Il faut déterminer ce que nous entendons par “art britannique” : l’histoire étant ce qu’elle est, la définition n’est pas facile. La Tate va devoir préciser cette notion de “britannique” et la place de la culture désignée par cet adjectif dans un environnement multiculturel.

Cela veut-il dire que vous pourriez vous retrouver avec un musée écossais, irlandais, gallois, ou encore un musée des Caraïbes ?
Si la Tate Gallery of British Art se veut représentative de la production et de l’héritage artistique de toutes les composantes de la vie britannique d’aujourd’hui, il semble qu’on s’achemine effectivement dans cette direction.

Que pensez-vous de la relation que l’art britannique entretient avec celui du reste du monde ?
Il faudra veiller très sérieusement à ne pas exclure complètement l’art non britannique des salles d’exposition de Millbank. En 2001, une exposition présentera, en raison de leur lien avec l’art britannique, des paysages américains du XIXe siècle qui seront prêtés par des institutions des États-Unis.

Les collections seront-elles accrochées chronologiquement ?
Imaginez l’espace de Millbank divisé en quatre parties, chacune  présentant une période. La première ira sans doute jusqu’à la fin du XVIIIe siècle ; la seconde sera réservée au XIXe siècle et la troisième au XXe ; la dernière accueillera à la fois l’art contemporain – qui bientôt sera l’art du XXIe siècle – et un lieu d’exposition. Il ne faut pas oublier les “Clore Galleries”, réservées aux Turner, et le nouvel espace d’exposition du sous-sol. Dans chacune des quatre parties, nous aurons un mélange de salles attribuées soit à un thème, soit à un artiste, avec, par exemple, deux nouvelles salles consacrées à Constable. Mais nous créerons aussi des salles thématiques, dans le style des expositions temporaires. Une salle pourra présenter un thème sur trois cents ans, une autre présentera une exposition plus focalisée.

Quelle sera la relation de ce musée avec Bankside ?
Millbank, la “Tate Gallery of British Art” qui ouvrira ses portes en 2001, est consacrée à l’ensemble de l’art britannique du XVIe au XXIe siècle. Le Turner Prize, qui a toujours été réservé aux artistes britanniques, restera ici. Bankside deviendra effectivement le musée national de Grande-Bretagne pour la période allant de 1900 à aujourd’hui, la National Gallery s’arrêtant vers 1913. Bankside a une collection internationale et inclut donc l’art britannique d’après 1900. L’art britannique du XXe siècle pourra être présenté dans l’une ou l’autre des Tate Galleries : Millbank, Bankside, Liverpool ou St Ives. C’est vrai que le visiteur arrivant à Londres ne saura pas automatiquement où trouver les tableaux de Francis Bacon. Mais je crois qu’il est bon que le public puisse voir des œuvres dans des contextes variés.

Le personnel pourrait alors se déplacer d’un musée à l’autre ?
Non, la majeure partie du personnel restera à Millbank, qui est pourvu de tout l’équipement nécessaire. Bankside sera essentiellement un lieu d’exposition.

Quelle sera votre première exposition ?
Je suis en train de concevoir les espaces eux-mêmes afin qu’ils présentent l’exposition d’art britannique la plus spectaculaire jamais organisée. Ceci explique pourquoi j’envisage une série de prêts pour renforcer les collections actuelles.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°66 du 11 septembre 1998, avec le titre suivant : Entretien avec Nicholas Serota, directeur de la Tate Gallery

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