Égypte

En ménage à trois depuis 2 000 ans

La découverte d’un vase érotique égyptien

Le Journal des Arts

Le 1 février 1995 - 520 mots

Les fouilles menées dans l’antique cité ptolémaïque de Bahriah ont permis de découvrir un exemplaire unique de vase en pierre, orné de scènes érotiques, datant du Ier siècle avant J.-C. Une prochaine campagne de fouilles laisse espérer la mise au jour de crocodiles embaumés.

LE CAIRE - Un vase en pierre orné de deux scènes érotiques vient d’être découvert sur le site de Kom Umm el Atl, à l’emplacement de l’antique cité ptolémaïque de Bahriah. Si les hypothèses avancées par la mission archéologique italienne se vérifient, ce vase pourrait être une pièce unique. Enfoui depuis vingt siècles, il a été découvert par Mario Capasso et Sergio Pernigotti au cours de la seconde campagne de fouilles financée par l’université de Bologne et Lecce, ainsi que par Corrado Basile, directeur du Musée des papyrus de Syracuse.

Ce type de décor licencieux ne se rencontrait jusqu’à présent que sur les cratères grecs. Il s’agit ici de scènes sculptées en relief, dans un esprit voisin de celui développé au IIe siècle dans le roman d’Apulée, les Méta­mor­phoses (ou L’Âne d’or) : d’un côté, l’accouplement d’une femme avec un cheval et un homme, et de l’autre, l’union de la même femme avec deux hommes. Il a été retrouvé dans une maison encore intacte du Ier siècle av. J.-C.

Dans la même maison, les archéologues ont dégagé une collection de lampes à huile, de nombreuses monnaies, des "ostraca" – ces tessons de poterie réutilisés pour écrire –, des graffiti en langue démotique, et toute une série de stylets en os utilisés pour graver des tablettes en cire. Une découverte qui étonne les archéologues, car les stylets métalliques étaient d’un usage plus fréquent. Plusieurs objets témoignent de la présence d’une femme raffinée : on dénombre des anneaux, des amulettes pharaoniques, un scarabée daté du VIe siècle av. J.-C., et un instrument de musique rituel, un sistre, dédié à la déesse Hathor.

Les fouilles de la nécropole de la ville ont permis de dégager des sépultures de diffé­rents types : des tombes rupes­tres taillées dans la roche calcaire, et d’autres "en puits", creusées dans le sous-sol. Elles feront l’objet d’une prochaine campagne de fouilles, au cours de laquelle sera également étudié un édifice identifié comme un temple. Construit en briques crues, celui-ci repose sur un énorme soubassement.

L’équipe italienne émet deux hypothèses à son sujet. Si, lors des fouilles, le soubassement de l’édifice se révèle être d’un seul tenant, on se trouvera en présence d’un bâtiment dont on ne connaît pas d’autre exemple en Égypte. Si, comme l’espèrent les archéologues, il se subdivise en plusieurs chambres, les chercheurs devraient y découvrir des crocodiles embaumés : le dieu Sobek (Soukhos) était représenté sous la forme du grand reptile amphibien car, comme le soleil, il était sorti de l’eau. Les crocodiles seraient alors ensevelis dans des cercueils sacrés et protégés par une enveloppe de feuilles de papyrus.

Cette hypothèse laisserait espérer la découverte de textes écrits qui permettraient aux archéologues d’étudier la vie sociale et culturelle de Bahriah. En effet, les papyrus utilisés par les scribes ne pouvaient être réemployés et étaient récupérés par les embaumeurs pour protéger les momies.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°11 du 1 février 1995, avec le titre suivant : En ménage à trois depuis 2 000 ans

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