Centre d'art

Des parcours exemplaires

Par Christine Coste · Le Journal des Arts

Le 3 mars 2021 - 864 mots

Sept témoignages racontent l’attrait que peut exercer la direction d’un Frac ou d’un centre d’art en région.

Rencontres. Lorsqu’en 1991, Xavier Franceschi est nommé responsable Arts plastiques de la Ville de Brétigny-sur-Orge (Île-de-France), il a 29 ans. C’est son premier emploi fixe. Trois ans plus tôt, il a obtenu son diplôme de docteur en arts plastiques et sciences de l’art à l’université Paris 1. « Le centre d’art n’était pas ce qu’il est aujourd’hui », rappelle-t-il. « C’était une galerie municipale sans statut, ni véritable espace d’exposition. Beaucoup de travail a été mené pour la transformer en un véritable centre d’art conventionné par l’État. » En 2002, il rejoint la délégation aux arts plastiques du ministère de la Culture pour s’occuper de la commande publique avant de prendre, quatre ans plus tard, la direction du Frac Île-de-France. Au cours de ces quinze années de direction, il n’a« jamais été tenté de partir », dit-il, « car tant de projets d’ampleur se sont enchaînés pour asseoir ce Frac multi-sites à la différence de tous les autres. »

Plus de liberté dans les territoires

Pascal Neveux (56 ans), passé du Frac Alsace, au Frac Provence-Alpe-Côté d’Azur, puis au Frac Picardie, reconnaît s’être interrogé « sur l’établissement qu’il aurait pu viser, s’il avait voulu diriger une structure plus importante après avoir monté et dirigé un Frac de nouvelle génération avec une équipe et un budget conséquent. […] Trouver une vraie reconnaissance à Paris après avoir occupé un poste en région n’est plus du tout un profil de carrière mis en avant, ni un enjeu », souligne-t-il. « Les mentalités ont changé, les contextes ont évolué et donnent aux responsables de Frac, de centre d’art ou de musée en région, des capacités d’actions et de rayonnement totalement différents de celles générées par un centralisme toujours plus fort. La liberté qu’ils offrent en matière d’écriture est une véritable chance et singularité. L’exception culturelle est peut-être à trouver aujourd’hui plus dans les territoires et dans la façon dont leurs structures culturelles et artistiques se réinventent. »

« Quand vous êtes à l’origine d’un centre d’art ou du développement d’un Frac, dix, quinze ou vingt ans peuvent paraître beaucoup à l’échelle humaine, mais c’est peu pour le temps des institutions. Ces structures se sont construites progressivement. Il a fallu les consolider et les amener à un niveau de développement, de reconnaissance et de maturité qui demande du temps », précise de son côté Sophie Legrandjacques (53 ans) à l’origine et à la direction du Grand Café à Saint-Nazaire.

Plus de souplesse et d’autonomie dans les centres d’art

Pour Sophie Kaplan (47 ans), directrice de La Criée, dit « faire aussi partie des gens attachés au modèle des centres d’art car il permet une souplesse, une prise de risque et des soutiens à des parcours artistiques parallèles ». C’est pour assurer le commissariat d’expositions qu’elle pose sa candidature au Crac Alsace. Plus tard, passer du Crac Alsace à La Criée à Rennes l’a fait traverser la France. « Lorsqu’on est jeune et sans enfant, c’est plus facile mais ce ne fut pas impossible pour ma famille », confie-t-elle. « C’est tellement enrichissant d’aller voir ailleurs, d’être confrontée à des situations que l’on ne connaît pas. »

Jusqu’à sa candidature en 2012 pour la Villa du Parc, à Annemasse, Garance Chabert (41 ans), alors administratrice de la Société française de photographie, menait de front une activité indépendante de critique d’art et de commissaire d’exposition. « J’avais envie d’un poste autonome d’un point de vue artistique. Les postes à Paris sont rares, convoités, le milieu très concurrentiel. Annemasse certes est une petite ville, mais elle se situe à la frontière du Grand Genève et de différentes scènes artistiques. J’avais 32 ans, un bébé et le cadre de vie me semblait bien pour élever un enfant. » Garance Chabert était en parallèle enseignante à l’École de design et de graphisme à Genève. Aujourd’hui, elle pense à partir. Mais « il faut trouver le bon endroit qui correspond à l’évolution de carrière que j’envisage », souligne la co-présidente de d.c.a.

Plus de responsabilités

Le choix de quitter son poste de conservateur au Musée Fabre de Montpellier pour la direction du Cirva à Marseille, Stanislas Colodiet (32 ans, ancien élève de l’Institut national du patrimoine) l’explique par « l’intérêt porté à ce lieu de recherche et de création, à sa collection aussi ». Ce que lui en avait dit David Caméo, quand ce dernier dirigeait la Manufacture nationale de Sèvres, était resté dans un coin de sa tête. « La première fois que j’ai visité Marseille, j’ai pris d’ailleurs rendez-vous avec Isabelle Reiher, sa directrice.»

Commissaire d’exposition indépendant, puis attaché de conservation au Centre Pompidou de 2014 à 2019, Loïc Le Gall est aussi très jeune (32 ans) quand il succède en 2019 à Étienne Bernard, à la direction de Passerelle à Brest. Candidat malheureux au Creux de L’Enfer et à La Galerie de Noisy-le-Sec quand il était « encore plus jeune », et plusieurs fois en lice à l’étranger pour des postes de conservateur dans des musées importants, il fait partie de cette nouvelle génération de responsables de centre d’art qui, comme leurs prédécesseurs, trouvent dans ces structures « le lieu idoine pour un premier poste à responsabilités. Rares sont les structures qui permettent d’accéder à un poste de direction quand on est jeune », précise-t-il.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°562 du 5 mars 2021, avec le titre suivant : Des parcours exemplaires

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