Russie - Faux - Musée

Des faux œufs de Fabergé au Musée de l’Ermitage ?

Par Charles Roumégou · lejournaldesarts.fr

Le 10 février 2021 - 443 mots

SAINT-PETERSBOURG / RUSSIE

Un expert met en cause l’authenticité de plusieurs pièces actuellement exposées dans le musée de Saint-Pétersbourg.

L'Oeuf du dixième anniversaire de mariage du Tsar Nicolas II et de l'impératrice Alexandra Feodorovna Romanova, attribué à Pierre-Karl Fabergé (1846-1920) et daté de 1904. © Musée de l'Ermitage
L'Œuf du dixième anniversaire de mariage du Tsar Nicolas II et de l'impératrice Alexandra Feodorovna Romanova, attribué à Pierre-Karl Fabergé (1846-1920) et daté de 1904.
© Musée de l'Ermitage

La direction du Musée de l’Ermitage de Saint-Pétersbourg est sous le feu des critiques après avoir permis la tenue, entre ses murs, d’une exposition consacrée au joaillier russe Pierre-Karl Fabergé qui présenterait une série d’objets contrefaits ou à l’origine douteuse.

Ouverte au public depuis le 25 novembre dernier, l’exposition « Fabergé : Bijoutier à la cour impériale » a suscité l’ire d’André Ruzhnikov, marchand d’art mais également expert de la production artistique de Fabergé. Dans une lettre ouverte au titre annonciateur, Contrefaçons à l’Ermitage, l’intéressé se livre à une violente diatribe pointant, un à un, les anachronismes et les incohérences de certaines pièces exposées.

André Ruzhnikov s’indigne par exemple de la présence de deux œufs soi-disant datés de 1904. Or, il est admis par la communauté scientifique que l’artiste n’a produit aucun cadeau pour la famille du tsar à cette époque en raison de la guerre russo-japonaise. L’expert écrit ainsi que « l’Œuf de Pâques à la poule est une copie récente de l’original », lequel est exposé au Musée Fabergé de Saint-Pétersbourg distant de quelques minutes à pied du Musée de l’Ermitage. 

Autre objet litigieux : l’Œuf du dixième anniversaire de mariage du tsar Nicolas II et de son épouse Alexandra Féodorovna Romanova [voir ill.], daté de 1904, sur lequel figure pourtant un portrait de la grande duchesse Anastasia réalisé à partir d’une photographie prise en... 1906. 

Ces objets auraient davantage leur place dans « une boutique cadeaux que dans le plus grand musée de Russie », explique André Ruzhnikov.

Sur les cinq institutions prêteuses, trois d’entre elles se trouvent désormais dans le collimateur : le Musée Fabergé de Baden-Baden (Allemagne) et le Musée national russe de Moscou, deux institutions privées fondées par le sulfureux oligarque russe Alexander Ivanov ; le Musée de la culture chrétienne de Saint-Pétersbourg détenu par Konstantin Goloshchapov. Deux personnalités controversées critiquées par André Ruzhnikov pour leurs accointances avec le Kremlin, avant de les accuser de « légitimer les contrefaçons et d’accroître leur valeur marchande en les exposant à l’Ermitage ».

Directeur général du Musée de l’Ermitage depuis 1992, Mikhaïl Piotrovski (76 ans) rejette pour l’heure ces accusations, et argue pour sa défense qu’il est difficile d’obtenir un consensus de la communauté scientifique sur l’ensemble des œuvres exposées, comme le rapporte Artnet News


Si André Ruzhnikov appelle la direction du Musée de l’Ermitage à « fermer sans délai » cette exposition perçue comme « un outrage blasphématoire à la culture russe », sa demande est demeurée lettre morte pour le moment.

Vernissage de l'exposition « Fabergé : Bijoutier à la cour impériale » au Musée de l’Ermitage de Saint-Pétersbourg :

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