Archéologie

Dans les grottes de Bornéo

Analogie avec les représentations des Aborigènes d’Australie

Par Bernard D'Estrade · Le Journal des Arts

Le 8 janvier 1999 - 541 mots

BORNEO / INDONESIE

Une série de découvertes de peintures rupestres dans des grottes perdues de la partie indonésienne de l’île de Bornéo ouvre de nouvelles perspectives sur la préhistoire dans cette partie du monde, entre Asie du Sud-Est et Australie.

DJAKARTA - Les photographies et relevés rapportés des grottes calcaires au nord-ouest de Sangkuliran, dans le Kalimantan oriental (la partie indonésienne de Bornéo), présentent de grandes analogies avec l’art rupestre observé tout le long de l’Insulinde et jusqu’en Australie. Ces ressemblances pourraient peut-être révéler l’existence de contacts ou l’influence de communautés aborigènes de l’ouest du détroit de Macassar, il y a un peu plus de 10 000 ans. Cependant, les chercheurs de l’équipe franco-indonésienne à l’origine de ces découvertes font preuve de prudence. “Le nombre, la qualité de conservation et la variété des motifs sont tout à fait nouveaux pour Bornéo. La diversité et l’unicité des peintures demandent rapidement une attention et un programme d’investigation beaucoup plus importants que ce qui a été entrepris jusqu’à présent”, estime Jean-Michel Chazine, ethno-archéologue au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) qui, avec le spéléologue Luc-Henri Fage, a conduit ces expéditions. “Les diverses recherches conduites dans les archipels voisins devraient pouvoir profiter de la découverte de ces peintures, qui fournissent une image nouvelle de l’occupation de l’espace en Asie du Sud-Est insulaire”, ajoute-t-il.

Un style propre à Bornéo ?
Pour Jean-Michel Chazine, il est probable que ces nombreuses mains en éventail peintes en négatif, ces tracés linéaires aux couleurs ocre sur des parois ou des plafonds de grottes claires ont une “analogie frappante avec les représentations des Aborigènes d’Australie”. De même, des tracés sur certaines mains au pochoir évoquent des tatouages “très fréquents dans l’expression picturale des Aborigènes”. Encore beaucoup de recherches sont nécessaires sur place, au cœur de ces massifs isolés à plusieurs jours de marche de toute route ou de tout village, mais aussi en laboratoire.
La question de la datation de ces peintures, notamment, doit être précisée : pour le moment, la fourchette la plus large les date entre 6 000 et 20 000 ans. Il reste aussi à essayer de définir s’il existe un vrai style propre à Bornéo, et d’établir ou préciser sa parenté avec l’art préhistorique des archipels voisins, jusqu’aux Aborigènes d’Australie. Beaucoup de ce travail d’équipe revient à Pindi Setiawan, un chercheur de l’Institut de technologie de Bandung, la ville universitaire au sud-est de Djakarta.

La découverte des grottes et des peintures, dont l’étude jette une nouvelle lumière sur le peuplement de cette région, a commencé fortuitement, il y a bientôt dix ans. Au cours d’une expédition spéléologique à Bornéo en 1988, Luc-Henri Fage avait par hasard trouvé dans une grotte des dessins au charbon de bois dont il avait fait le relevé. Une première expédition, montée avec Chazine en 1992, apportait son nouveau lot de trouvailles. Ainsi en a-t-il été tous les ans depuis, à l’exception de 1997 où l’expédition a dû être reportée en raison d’incendies géants dans la région, et au début de 1998 pour cause d’élections et d’instabilité politique. Mais l’équipe, soutenue par le ministère du Tourisme indonésien, a repris au cours du dernier trimestre de 1998 la route et les pistes de ces massifs calcaires surplombant la forêt équatoriale, qui ont permis la nouvelle découverte.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°74 du 8 janvier 1999, avec le titre suivant : Dans les grottes de Bornéo

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