Entretien

Claude Picasso : « Le parcours a gagné en clarté »

Administrateur de l'indivision Picasso

Par Sarah Belmont · Le Journal des Arts

Le 28 octobre 2014 - 835 mots

Claude Picasso, fils de Pablo Picasso et de Françoise Gilot, représente la famille au conseil d’administration du Musée Picasso et veille sur le nom, l’image, l’œuvre du peintre et sa signature.

Le Musée Picasso rouvre ses portes après cinq ans de travaux, votre soulagement doit être d’autant plus grand que vous souhaitiez le voir sur pied dès le mois de juillet ?
Tout était prêt. Les interférences viennent du ministère de la Culture qui a décidé de recruter dans la filière des musées nationaux, alors qu’il était question de recourir à une entreprise de gardiennage privée. Former les nouvelles recrues... Voilà comment nous avons perdu du temps. Quant au retard dénoncé dans l’aile technique, il n’en est rien. Les bureaux devaient être terminés à Noël et ils le seront.

La pergola en acier d’Eric Dhondt a été démontée « parce qu’elle altérait le paysage urbain ». Qu’implique l’harmonisation du jardin de l’hôtel Salé et du square Léonor Fini prévue en contrepartie ?
Les deux ne sont pas liés. La pergola se destinait aux visiteurs déplorant l’absence de coins ombragés dans le musée. Quelques habitants du quartier ont commencé à faire du bruit avant même de voir le résultat. C’est dommage. Par ailleurs, les sculptures peuplant le jardin de l’hôtel Salé ne créaient pas suffisamment d’ombre. De là l’idée d’étoffer la végétation et de l’harmoniser avec les plantations du square voisin Léonor Fini. Cette continuité contribue, qui plus est, à une reconstitution historique du Marais.

Vous représentez la famille Picasso au conseil administratif, quel regard porte votre mère, Françoise Gilot, sur les rebondissements de ces derniers mois ?
Ma mère s’est depuis longtemps retirée à New York, loin de ces préoccupations. De mon côté, je n’étais pas content ; je l’ai dit.

À ce propos, les griefs se sont accumulés contre l’ancienne présidente, Anne Baldassari, à qui il a été reproché d’instaurer la terreur au sein de l’administration, d’avoir explosé le budget des travaux, de refuser des prêts au profit du « Picasso Tour ». Pourquoi l’avoir soutenue jusqu’au bout ?
Les œuvres ne sont pas des caisses de petits pois que l’on peut déplacer sans discernement. Quant à la décision d’organiser une exposition itinérante pour financer la réfection du musée, elle vient d’en haut. C’est le ministère qui, en 2006, a exigé que l’on donne la priorité au financement. Anne disposait d’une équipe certes petite, mais très motivée. Une fois la mouture du futur musée établie, de nouvelles personnes ont été embauchées. Sûrement n’ont-elles pas compris sa façon de travailler. En tout cas, si les plaintes sont anonymes, les défenseurs d’Anne Baldassari, dont je me réclame, n’ont pas caché leur identité.

Il paraît que vous auriez menacé Aurélie Filipetti de garder les photos de Dora Maar que vous aviez accepté d’offrir au musée.
Menacé ? Je ne suis pas un petit roquet, mais un gros chien tranquille. Je passe à l’acte, je ne menace pas de passer à l’acte. J’ai acheté ces documents durant la vente Dora Maar et convenu avec Anne Baldassari de les remettre au musée. Je trouvais seulement illogique que l’on retire à cette dernière l’opportunité de mener son travail à terme. Elle aurait pu se retirer d’elle-même une fois le musée rouvert, mais le ministère a violemment précipité les choses... Quoi qu’il en soit, si Anne a finalement pu terminer son accrochage, ce n’est grâce à nulle menace de ma part.

Anne Baldassari avait le mérite de connaître l’œuvre de votre père sur le bout des doigts. Savez-vous quelles expositions temporaires avait-elle envisagées pour l’année 2014-2015 ? 
L’expérience et l’énergie d’Anne sont une grande perte pour le musée. Je sais qu’elle avait déjà plusieurs idées d’expositions temporaires, mais je serais surpris qu’elle cède sa programmation à son successeur, Laurent Le Bon. 

D’ailleurs, pourquoi lui et pas un autre ?

Vous m’en demandez trop ! Il a postulé ; sa candidature a été retenue. Je l’ai rencontré, il est vrai, mais ne le connais pas assez pour juger de ses qualités.

Pensez-vous que votre père aurait aimé l’écrin dans lequel reposent ses œuvres ?

Sans aucun doute. Ses dons au Musée Picasso de Barcelone, en 1968 [créé en 1935 par son ami et secrétaire Jaime Sabartés], montrent qu’il était déjà favorable à l’idée qu’on lui dédie un lieu d’expositions. En revanche, jamais il n’aurait initié ce genre de distraction culturelle ; car rien ne l’intéressait plus que de travailler à son œuvre. 

Et vous, que pensez-vous du résultat ?
Je trouve qu’Anne Baldassari et l’architecte Jean-François Bodin, lequel est très doué quoique fort discret, sont parvenus à exploiter le bâtiment comme un tout. Et en doublant l’espace d’expositions, ils ont facilité la circulation dans le musée. Plus de goulots d’étranglement.. Le parcours a gagné en clarté.

Vous rendez-vous fréquemment au Musée Picasso ?
Oui, mais pas seulement. Au-delà des œuvres conservées dans le Marais, je m’intéresse à l’art sous toutes ses formes. Visiter les musées de par le monde s’avère également un moyen pour moi de mieux comprendre l’œuvre de mon père.

Musée National Picasso

5 rue de Thorigny, 75003 Paris, www.museepicassoparis.com, tlj sauf le lundi, 11h30-18h du mardi au vendredi, 9h30-18h les samedis et dimanches. Billet plein tarif : 11 €.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°422 du 31 octobre 2014, avec le titre suivant : Claude Picasso : « Le parcours a gagné en clarté »

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