Église - Restauration

ABBAYE

Cîteaux restaure son définitoire

Par Marion Krauze · Le Journal des Arts

Le 11 mai 2025 - 807 mots

La remise en état de ce bâtiment du XVIIe siècle, estimée à 15 millions d’euros, devrait s’échelonner jusqu’à 2033. Elle s’achèvera sur la création d’un pôle muséal sur la vie cistercienne.

Le définitoire de l'abbaye de Cîteaux. © Francis Meslet
Le définitoire de l'abbaye de Cîteaux.
© Francis Meslet

Saint-Nicolas-lès-Cîteaux (Côte d’Or). Dans la sobriété des lignes du définitoire, se reflète l’idéal d’austérité de l’ordre cistercien. Le bâtiment de quatre-vingts mètres de long, en briques rouges et pierres blanches, a été construit à la fin du XVIIe siècle pour accueillir les abbés de tous les monastères cisterciens, qui s’y réunissaient pour débattre de leurs règles de vie. Un lieu emblématique de l’histoire de Cîteaux, mais qui est depuis désaffecté et seulement partiellement ouvert à la visite. Pour lui redonner tout son sens et son lustre, l’abbaye planifie sa restauration, aussi bien extérieure qu’intérieure, depuis 2018. Ce chantier d’envergure, désormais lancé, devrait s’étendre jusqu’en 2033.

« Le bâtiment est dans un état critique, même s’il donne le change car il est très bien construit, résume l’architecte Martin Bacot de l’agence Archipat, chargé de la maîtrise d’œuvre. C’est un lieu unique au monde, l’une des signatures de l’organisation de l’ordre de Cîteaux, mais sa compréhension est aujourd’hui difficile. Lorsqu’on y entre, on ne sait pas si on est dans un cloître, un bâtiment religieux, un bâtiment civil… » L’édifice n’est pas sorti indemne des affres de la Révolution, puis a subi un incendie en 1877. Depuis, le définitoire n’a pas été restauré. Les toitures sont détériorées, les charpentes s’effondrent en partie et de nombreuses infiltrations d’eau ont accéléré sa dégradation. Depuis janvier dernier, des travaux portant sur le traitement extérieur ont ainsi débuté. La première pierre, symboliquement posée le 21 mars, a signé le coup d’envoi de cette première phase, qui devrait s’échelonner en cinq tranches sur cinq ans. Les quatre premières se concentreront sur la toiture, en partant du pignon est vers l’ouest, puis la dernière sur les menuiseries extérieures. « Ce sont des travaux assez techniques, qui comprennent une part de réemploi assez importante et un peu inédite pour nous, précise Martin Bacot. Ce n’est pas une opération de restauration de charpente, mais plutôt la recréation d’une nouvelle charpente avec les bois anciens. Cette dimension environnementale avec le réemploi de matériaux, c’est un aspect important du chantier. »

L'intérieur délabré du définitoire de l'abbaye de Cîteaux. © Francis Meslet
L'intérieur délabré du définitoire de l'abbaye de Cîteaux.
© Francis Meslet

Pour cette première phase de chantier, la facture s’élève à 7,5 millions d’euros. La congrégation de Cîteaux et l’association internationale Cîteaux Mater Nostra ont pu compter sur l’aide de l’État, de la Région, du Département et de contributions privées (plus d’un million d’euros via la Fondation du patrimoine). Mais pour mener à bien le projet, 7,5 millions d’euros supplémentaires seront encore nécessaires.

Cette deuxième partie des travaux, prévue de 2030 à 2033, portera sur l’aménagement intérieur du lieu. Car si l’édifice est très délabré de l’extérieur, il a aussi été profondément remanié à l’intérieur. Au XIXe siècle, le définitoire a servi de sucrerie, puis de centre d’apprentissage pour une colonie pénitentiaire agricole d’enfants. Et pour s’adapter à ces nouvelles fonctions, le site a connu plusieurs modifications. Planchers en fonte, architecture industrielle, bouchement de certaines baies… « L’idée, c’est de ne rien effacer de cette histoire du bâtiment, qui a traversé le temps de manière un peu chaotique. Ce ne sera donc pas un retour absolutiste à un état passé, mais nous remettrons en valeur les éléments qui ont perdu, au fil du temps, un peu de leur portée expressive », souligne Martin Bacot. Les murs seront restitués avec des briques de réemploi, un nouveau sol déployé sur l’ensemble de la galerie et les baies décloisonnées pour que le lieu retrouve son éclairage d’origine.

Le définitoire de l'abbaye de Cîteaux. © Francis Meslet
Le définitoire de l'abbaye de Cîteaux.
© Francis Meslet

L’objectif final est de redonner vie au définitoire en y intégrant un espace muséal, ouvert au public. Au rez-de-chaussée, des salles d’exposition présenteront les spécificités de la vie cistercienne, avec des focus sur l’histoire du site, sur les textes fondateurs et organes de gouvernance de l’ordre. Et au premier étage, un « centre d’études et de recherches » sur les Cisterciens conservera les archives de l’ordre, qui seront mises à disposition des historiens et chercheurs.

L’abbaye Notre-Dame de Cîteaux  


Histoire. Berceau de l’ordre cistercien, l’abbaye de Cîteaux a été fondée en 1098 par un groupe de moines, conduits par l’abbé Robert de Molesme. Animée par le retour à un respect rigoureux de la règle de saint Benoît, la communauté prend rapidement son essor et rayonne dans toute l’Europe médiévale. En 1197, l’abbaye-mère accueille régulièrement le comité exécutif du Chapitre général, constitué par des abbés de l’ordre venus des quatre coins de l’Europe. À partir de 1690, ils se réunissent dans le définitoire, qui formait alors l’une des ailes du cloître « des novices ». À la Révolution, l’abbaye est presque entièrement détruite. Aujourd’hui, n’en subsiste que trois bâtiments, classés monuments historiques : la bibliothèque du XVIe siècle, le définitoire du XVIIe siècle et le bâtiment « Lenoir », achevé par l’architecte en 1772. L’édifice conventuel abrite actuellement la communauté cistercienne, rétablie en 1898.

Thématiques

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°654 du 25 avril 2025, avec le titre suivant : Cîteaux restaure son définitoire

Tous les articles dans Patrimoine

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque