Musée

Canova sous les gravats

Trois bas-reliefs découverts dans la Villa Torlonia à Rome

Par Daniela Fonti · Le Journal des Arts

Le 24 avril 1998 - 526 mots

ROME / ITALIE

La Villa Torlonia, à Rome, a été le théâtre d’une découverte étonnante : trois bas-reliefs d’Antonio Canova gisaient au milieu de débris, dans un débarras. Ces sculptures montrent l’existence, dans son atelier, d’une production en série, indifférente à la destination des œuvres.

ROME - Le sort est parfois ironique : au lendemain de la publication d’une somme rassemblant les travaux de plusieurs dizaines d’années, surviennent des découvertes sensationnelles, susceptibles de relancer la réflexion des spécialistes. C’est la mésaventure dont ont été victimes les auteurs de l’épais volume Villa Torlonia. La dernière entreprise du mécénat romain, publié sous la direction d’Alberta Campitelli. La Villa Torlonia, avec ses dix bâtiments de différentes époques disséminés dans un parc de treize hectares, pose des problèmes complexes à l’historiographie artistique du XIXe siècle romain : sur une période de 150 ans, la construction a connu plusieurs phases, d’abord de style XVIIe, puis néoclassique et enfin éclectique. Mais les auteurs étaient vraiment loin d’imaginer qu’allaient surgir, d’un débarras abandonné sous le Théâtre, trois bas-reliefs d’Antonio Canova, noyés sous les gravats et les décombres, oubliés parmi les casques des Alliés – la dernière et la plus sombre époque de la Villa a vu l’installation des Allemands, puis des Alliés, dans l’ex-résidence de Mussolini.

Trois reliefs sur dix
L’existence de ces sculptures était connue, et même rappelée dans un mémoire du prince Alessandro Torlonia, lequel a œuvré de façon déterminante, entre 1835 et 1842, pour la transformation du site et de son architecture. La surprise passée, les œuvres resurgies aujourd’hui affinent la connaissance du sculpteur de Possagno.

Le plus grand des bas-reliefs, Socrate buvant la ciguë, est accompagné de deux panneaux plus petits, la Mort de Priam et la Danse des fils d’Alcinoos. Autour, sur les murs de la salle principale du palais, étaient disposés sept autres panneaux, toujours dispersés à l’heure actuelle. Sollicité avec empressement par les propriétaires pour la décoration de la grande salle à manger, l’artiste, avec quelque désinvolture, avait envoyé ces dix bas-reliefs produits en petite série par son atelier, en réduisant légèrement leur format pour les adapter aux murs et sans faire grand cas des sujets. Les exemplaires romains sont en effet plus petits que ceux conservés à Venise et à Possagno. Or “le sujet, tout au moins la mort de Socrate par le poison, semble peu approprié pour une salle à manger”, commente à juste titre Alberta Campitelli. Quoi qu’il en soit, cette découverte exceptionnelle clôt temporairement la série de “trouvailles” qui ont marqué, ces dernières années, les recherches sur la partie néoclassique de la Villa Torlonia, la moins connue et la plus abîmée par les interventions successives. De fait, le volume s’ouvre sur l’exacte reconstitution, par Antonio Pinelli, du noyau primitif de la Villa conçu par Joseph Valadier. Celui-ci avait été chargé par Giovanni Torlonia, en 1802, de la première transformation de l’ex-Vigna Colonna sur la via Nomentana. L’historien s’est appuyé sur une série de notes autographes de Valadier, mais surtout sur un rarissime petit tableau attribué à Canova : le sculpteur s’y représente avec les membres de la famille du banquier devant le palais dessiné par Valadier, avec la profonde niche raccordant les deux ailes latérales.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°59 du 24 avril 1998, avec le titre suivant : Canova sous les gravats

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