Art ancien - Art contemporain

Vanité Fatuité

Par Fabien Simode · L'ŒIL

Le 25 janvier 2022 - 854 mots

Vanité - « Vanité des vanités, disait l’Ecclésiaste, tout est vanité ! Tout est difficile à expliquer ; l’homme ne peut rendre compte de rien ; l’œil ne se rassasie pas à force de voir ; l’oreille ne se remplit pas à force d’entendre. » C’est pourtant bien ce que nous faisons chaque mois dans ces pages : rendre compte de l’actualité de l’art, des tendances, des expositions, des livres… Et, pour cela, L’Œil ne se rassasie jamais. C’est ainsi que nous sommes allés visiter la nouvelle affiche du Musée des beaux-arts de Lyon : « À la mort, à la vie ! Vanités d’hier et d’aujourd’hui ». Rien de nouveau sous le soleil, a priori. Les lecteurs se souviennent peut-être de l’accrochage « C’est la vie ! Vanités de Caravage à Damien Hirst », au Musée Maillol en 2010. Pourtant, à Lyon, l’approche est différente. Ici, pas de chef-d’œuvre de Caravage ni de crâne recouvert de diamants par Damien Hirst, mais un superbe Nicolas Régnier (Jeune Femme à sa toilette, vers 1626) et une saisissante installation d’Erik Dietman (L’Art mol et raide ou l’épilepsisme-sismographe pour têtes épilées : mini male head coiffée du grand mal laid comme une aide minimale, 1985-1986), parmi près de cent soixante autres œuvres. Et pour cause : « À la mort, à la vie ! » a été conçue à partir des collections permanentes du Musée des beaux-arts et du Musée d’art contemporain de Lyon, ainsi que d’une collection privée lyonnaise. Elle est la troisième proposition de ce genre depuis la réunion, en 2018, des deux institutions au sein d’un même pôle municipal. Et le résultat fonctionne admirablement. Le rassemblement de crânes, de squelettes, de saints et de bouquets de fleurs dresse, jusqu’au 7 mai 2022, un panorama sensible et intelligent de la représentation de la vanité depuis le XVIe siècle. Graves ou drôles, phares ou anecdotiques, les œuvres ont toutes été choisies à merveille, comme l’étonnant Chat renversant un vase de fleurs, d’Abraham Mignon (vers 1660-1680), ou le déroutant Janus (vie et mort) (1963), totem d’Étienne-Martin.

Réalisée à partir des collections locales, cette exposition est une réponse apportée à la crise sanitaire, aux difficultés de voyager, à la hausse des coûts des transports comme au climat d’incertitude. Elle est la démonstration qu’un modèle alternatif existe, d’expositions locales mais d’envergure, plus écologiques, et qui ont pour avantage de faire vivre les collections – à Lyon, le projet a permis de redécouvrir une partie des collections d’arts graphiques. S’il peut paraître osé de programmer une exposition sur la vanité en pleine pandémie mondiale, ce choix est pleinement assumé par la directrice générale du Pôle des musées d’art de Lyon : « Nos musées ont vocation à s’emparer de certaines questions qui travaillent nos sociétés, explique Sylvie Ramond. Alors que ce contexte particulier a permis à chacun d’entre nous d’éprouver de manière encore plus vive la fragilité de l’existence, il nous est apparu nécessaire de présenter des artistes qui interrogent le sens à donner à une vie inexorablement vouée à la finitude. » Memento mori a dit un esclave à un général romain victorieux : « Souviens-toi que tu vas mourir ». Un précepte qui n’est pas au programme du Musée des beaux-arts de Lyon.

Fatuité  - Rien ne va plus pour la Biennale d’art contemporain de Lyon. L’événement, qui s’est imposé depuis sa création en 1991 comme la biennale de référence en France, s’apprête à perdre son lieu d’exposition : les anciennes usines Fagor-Brandt. La Biennale a appris par la presse que la Métropole, présidée par l’écologiste Bruno Bernard (élu municipal de Villeurbanne, labellisée Capitale française de la culture en 2022), décidait d’y installer les ateliers de maintenance du tramway, sans même lui proposer de solution alternative. Or la friche industrielle bénéficie d’un double avantage : sa superficie (29 000 m2) et son emplacement (le quartier Gerland). Si la Biennale disposera toujours des usines en septembre pour sa 16e édition, confiée aux commissaires Sam Bardaouil et Till Fellrath, elle est en revanche priée de trouver un nouveau site pour son édition 2024. Une tâche bien délicate pour une biennale qui se trouve, de facto, sérieusement menacée. Sur fond de polémique, son président François Bordry a démissionné. Il reproche notamment à la Métropole de vouloir « mettre moins l’accent sur la création artistique et sur le rayonnement au-delà des strictes limites du territoire, au profit d’une action se concentrant essentiellement sur l’animation culturelle locale ». Cela serait évidemment dramatique pour la région, tant la notoriété de la Biennale de Lyon dépasse les frontières de la France, voire de l’Europe. Si l’approche locale est parfois une solution, elle ne saurait, en revanche, en être l’unique.

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°751 du 1 février 2022, avec le titre suivant : Vanité Fatuité

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