Penser par slogans

L'ŒIL

Le 1 mai 2004 - 350 mots

Les intermittents ont-ils eu la peau d’Aillagon ? Les raisons de l’éviction du ministre sont sans doute plus complexes. Pourtant, on ne peut s’empêcher de penser que l’agit-prop intermittente, l’annulation des festivals de l’été et le désastre de la cérémonie des Césars ne furent pas étrangères à sa déroute. Son départ du ministère laisse une impression de gâchis, dont la brutalité choque. On espérait – les consultations avec les partenaires sociaux et les représentants des intermittents ayant repris sur des bases plus saines – que les choses s’apaiseraient, que les maladresses et les imperfections du fameux « accord » seraient corrigées. Bref qu’aux slogans assenés sans nuance succéderaient les analyses, la transparence, les solutions.
Certaines se dessinent aujourd’hui, comme celle proposée par Pierre-Michel Menger dans Le Monde du 15 avril 2004, d’une cotisation uniforme des employeurs et salariés intermittents à laquelle s’adjoindraient des cotisations modulées des employeurs en fonction de leur degré d’utilisation des emplois intermittents, et des financements publics (collectivités locales et territoriales, État). Ce type de propositions, comme celles de la création de nouvelles caisses complémentaires de solidarité, de professionnalisation des métiers de la culture et de redéfinition du « périmètre » de l’intermittence font avancer la réflexion, contrairement aux mots d’ordre de l’été dernier, aux ultimatums, aux invectives, aux attaques ad hominem.
La pensée par slogans ruine la vie politique, pervertit les débats, annihile la réflexion. Il ne s’agit pas de renoncer aux formules percutantes, ni aux dénonciations, mais peut-on refuser la complexité des approches ? Les voyages dans le métro parisien sont ces jours-ci fort instructifs. Les interventions des casseurs de pub et de leurs épigones donnent toute la gamme des attitudes possibles, de la dénonciation plus ou moins pertinente (« la pub est un fascisme soft ») et de la déconstruction des messages aux mauvais jeux de mots et aux mots d’ordre conçus comme des logos relevant eux-mêmes de l’esthétique publicitaire qu’ils prétendent combattre. On préférera aux « cons-sots-mateurs » et autres « Laetitia casse-toi », les « attentats publicitaires » plus pertinents d’artistes comme ZEVS, et la lecture du No Logo de Naomi Klein.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°558 du 1 mai 2004, avec le titre suivant : Penser par slogans

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