Molière se retournerait dans sa tombe

L'ŒIL

Le 1 décembre 2000 - 369 mots

Le 30 octobre, jour de l’inauguration du Kiosque des Noctambules de Jean-Michel Othoniel sur la place Colette, un vieux bougon vitupérait : « S’il pouvait voir cela, Molière se retournerait dans sa tombe. » Il voulait ainsi souligner l’incongruité de cette œuvre contemporaine face à la Comédie Française.

Pourquoi la RATP avait-elle demandé à un artiste vivant de réaliser une entrée du métro dans un site aussi important ? Comment une création d’aujourd’hui pouvait-elle rivaliser avec une architecture aussi ancienne ? Avec cette remarque assassine, le vieux Parisien se révoltait face à l’intrusion de l’art du XXe siècle dans ce haut lieu de culture et de tradition. On retrouvait ici la même violence qui avait suivi le chantier des colonnes de Buren au Palais Royal voisin. On sentait la même hargne qui avait réuni en une harde vociférante les réactionnaires de tous poils, hostiles à la pyramide du Louvre.
Pourtant, avec son kiosque de perles et d’aluminium, Othoniel a voulu renouer, cent ans plus tard, avec l’esprit de Guimard. Ses deux dômes aériens reprennent les lignes graciles des marquises Art Nouveau qui coiffent chacune des bouches du chemin de fer métropolitain. La nuit, le kiosque s’illumine. Des perles jaillissent des éclats joyeux de lumière qui rappellent les gros yeux rouges et goguenards des anciennes ouvertures 1900. Avec son banc blotti dans les rambardes de métal,
il a su offrir un brin de convivialité aux passants pressés, poussés dans le froid et le silence de la nuit. Il a voulu « une utopie d’architecture, un espace de liberté ». Certes, me direz-vous, les matériaux sont un peu clinquants, l’aluminium brossé n’ayant jamais eu la sensualité du bronze patiné. Certes, le lourd kiosque à journaux années 70 jure sérieusement avec l’intervention légère d’Othoniel (il aurait sans doute fallu lui demander d’habiller entièrement cet espace urbain refermé sur lui-même). Mais, en attendant l’intervention de Philippe Favier prévue pour le 13 décembre et celle de Sylvie Blocher annoncée au printemps 2001, ce premier geste de la RATP prouve l’importance de la présence de l’art dans la ville. Elle a permis de créer un nouveau « monument » qui désormais ponctue gaiement le Palais Royal et le trop souvent intouchable centre historique de Paris.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°522 du 1 décembre 2000, avec le titre suivant : Molière se retournerait dans sa tombe

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