Éditorial

Les vertus pédagogiques du « Salvator Mundi »

Par Jean-Christophe Castelain · Le Journal des Arts

Le 30 octobre 2019 - 372 mots

Attributions. Outre la publicité involontaire qu’il a apportée à l’exposition du Louvre (viendra, viendra pas ?), le Salvator Mundi aura eu le mérite de familiariser le public avec l’enjeu des attributions et dés-attributions d’œuvres.

Léonard de Vinci (1452-1519), Salvator Mundi (sauveur du monde)
Léonard de Vinci (1452-1519), Salvator Mundi (sauveur du monde), circa 1500, huile sur panneau de noyer, 64,5 x 44,7 cm
© Christie's Images Limited

Selon qu’un tableau est de la main ou non du Caravage, de Cimabue (tous deux dans l’actualité), son statut change du tout au tout et ainsi le regard des conservateurs et des acheteurs. C’est un paradoxe maintes fois étudié.

Les attributions sont particulièrement complexes pour les peintres comme Léonard qui travaillaient avec un atelier et confiaient à leurs assistants la production des copies, voire la réalisation d’une partie plus ou moins grande du tableau original. Ces enjeux d’attri­bution ont pris une dimension considérable pour Léonard de Vinci, le peintre le plus connu au monde malgré son corpus réduit.

Le catalogue de l’exposition du Louvre était donc particulièrement attendu, notamment s’agissant du Salvator Mundi, dont on présume qu’il a été acheté par l’émirat d’Abu Dhabi ou l’Arabie Saoudite. Alors que l’exposition de 2011-2012 à la National Gallery de Londres attribuait entièrement à Léonard le tableau surgi peu de temps auparavant, ouvrant ainsi la voie à des enchères records, le Louvre ne se prononce pas. Vincent Delieuvin, l’un des deux commissaires, a rédigé un dossier très complet sur le sujet, mais il évite prudemment de prendre position, même si l’on devine en creux qu’il n’est pas en faveur d’une réalisation totale par Léonard. On comprend sa prudence compte tenu des relations particulières du musée avec l’émirat. Le conservateur révèle qu’il existe une vingtaine de copies reprenant la composition du Christ sauveur du monde. D’ailleurs, le Louvre en expose une (la version Ganay) qui n’est pas sans intérêt.

Tout le problème avec Léonard, si l’on peut dire, est que de nombreux acheteurs voulaient des copies de ses tableaux, des copies sur lesquelles il apportait parfois sa touche. Selon Vincent Delieuvin, des centaines de copies d’après une quinzaine de compositions de Léonard ont été recensées. Parmi cet ensemble, « il est possible d’identifier au moins une trentaine d’exemplaires qui présentent des qualités techniques et stylistiques compatibles avec une exécution dans l’atelier, par l’un des élèves »,écrit-il dans le catalogue. Les mots sont soigneusement pesés, le marché est à l’affût, le public aux premières loges.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°532 du 1 novembre 2019, avec le titre suivant : Les vertus pédagogiques du « Salvator Mundi »

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