Collection

La collection de stickers de CD d’Élodie Lesourd

Par Élisabeth Couturier · L'ŒIL

Le 21 février 2019 - 588 mots

PARIS

Chaque mois, Élisabeth Couturier présente un objet cher à un artiste. Ce mois-ci... Élodie Lesourd et ses stickers de CD.

Fétiche -  Qui s’intéresse aux stickers collés sur le papier d’emballage transparent qui entoure les pochettes de CD ou les disques vinyles lorsqu’on les achète ? En général, on s’empresse de les jeter. Cet élément marketing, bien visible, ne retient pas longtemps notre attention. Élodie Lesourd, au contraire, les collectionne : « J’ai commencé il y a vingt-cinq ans, sans trop savoir pourquoi. En fait, j’avais 15 ans et je venais d’acheter mon premier CD. J’étais si fière, je vivais cela comme un début d’autonomie. J’ai alors eu le réflexe de conserver cet élément publicitaire comme s’il s’agissait d’un bonus et l’ai délicatement découpé. Il faut dire que je mets beaucoup d’affect dans les objets et dans les photos… Aussi, pendant des années, j’ai gardé ces petits éléments promotionnels au graphisme percutant et aux couleurs franches. Et puis un jour, il n’y a pas si longtemps, j’ai remis le nez dans ce trésor accumulé. Cela m’a donné l’idée, en 2016, de réaliser une série d’œuvres intitulée Diagonal Science Series. » Un titre énigmatique, mais un subtil jeu de correspondances sémantiques, car, pour l’artiste, ces assemblages d’éléments composites confrontent art, science du vivant et musique. Elle explique : « À travers ces compositions, je fais un parallèle entre, d’une part, la classification établie au XIXe siècle par Linné qui a répertorié, nommé et classé l’essentiel des espèces vivantes et, d’autre part, la classification de la musique par genres (rock, métal, pop, folk, électro, etc.) proposée, notamment, par ces stickers. Cela renvoie, aussi, à la hiérarchie des genres défendue par l’Académie des beaux-arts au XVIIe siècle, selon laquelle la peinture d’histoire était plus noble que la peinture de paysage. » L’artiste avoue deux passions : l’art – elle a commencé à dessiner à son plus jeune âge – et la musique, qu’elle écoute depuis l’adolescence. Deux éléments qui cohabitent harmonieusement dans ses Diagonal Science Series lorsqu’elle mêle stickers, au graphisme inspiré par le suprématisme russe, et illustrations naturalistes produites par elle-même durant ses années d’apprentissage. Elle dit : « La musique est insaisissable pour un plasticien. C’est un défi que de vouloir la représenter. » Elle rajoute : « Je cherche, à travers mes œuvres, à donner une durée aux choses évanescentes, à capter l’éphémère, à ordonner le chaos. » Pour ce faire, Élodie Lesourd cherche à créer des associations inattendues d’éléments ou d’objets ayant le plus souvent trait à la musique, des rencontres disruptives qui génèrent des formes nouvelles, dans ses peintures, ses installations ou ses assemblages. Ses stickers ? Au départ un message publicitaire, au final un objet plastique intrigant, un poème à la Raymond Queneau. Et, en filigrane, un autoportrait : « Ça retrace un peu mon histoire de l’écoute, mes goûts profonds, un regard que je porte sur ce qui m’entoure », concède-t-elle. Est-elle une collectionneuse compulsive, amasse-t-elle tout ce qui lui tombe sous la main ? « Pas vraiment, je fais beaucoup de recherches et, parfois, je mets certains éléments de côté, en me disant que, peut-être, un jour, j’aurai l’idée d’en faire quelque chose, comme ce fut le cas pour les stickers. » On pense aux artistes Fluxus qui plaçaient les sons au cœur de leur travail. Se sent-elle des affinités avec eux ? « Ils sont une référence historique pour l’usage plastique de la musique, comme John Cage ou La Monte Young, mais je pense aussi à l’artiste japonaise Mieko Shiomi. » Quoi qu’il en soit, la créativité, chez Élodie Lesourd, passe autant par l’œil que par l’oreille.

« Élodie Lesourd. Lambda Pictoris »,
jusqu’au 5 mai 2019. Frac Normandie, 3, place des Martyrs-de-la-Résistance, Sotteville-lès-Rouen (76). Du mercredi au dimanche de 13 h 30 à 18 h 30. Entrée libre. www.fracnormandierouen.fr

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°721 du 1 mars 2019, avec le titre suivant : La collection de stickers de CD d’Élodie Lesourd

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