Coups de peinture, coups de gueule, coup de blues

Par Fabien Simode · L'ŒIL

Le 15 novembre 2011 - 645 mots

Coups de peinture dans les musées parisiens. Les musées du Luxembourg, Marmottan-Monet, Maillol et d’Orsay ont chacun revu, à des niveaux différents, leur aménagement intérieur. Sous l’impulsion récente de son nouvel opérateur, la RMN, le premier a redistribué ainsi ses salles dont il a repeint les murs avec des couleurs sombres et délicates seyant parfaitement aux toiles de Cézanne, donnant l’illusion d’un parcours accru dans un espace inextensible. Illusion agréable, mais qui ne trompe personne… De son côté, le Musée Marmottan a choisi d’abattre le mur de la salle de la collection d’enluminures Wildenstein pour y présenter, en lieu et place, une sélection des petits formats des Nymphéas de Monet. Double bonne idée : faire retrouver la lumière naturelle aux toiles de Monet, et faire retrouver aux visiteurs des expositions temporaires – actuellement « Cross et le néo-impressionnisme » – le chemin des Nymphéas. Mais le musée pèche par excès de gourmandise et, à vouloir exposer un trop grand nombre d’œuvres, finit par noyer le visiteur dans un raz de marée de Nymphéas… Le Musée Maillol, lui aussi, s’est attaqué à ses murs pour revoir entièrement sa distribution et réaliser une scénographie de son exposition « Pompéi » (signée Hubert Le Gall) d’une rare élégance. Un succès qui place désormais la barre haut pour le musée privé qui ne pourra plus – ne devra plus – se permettre de fautes de goût lors de ses prochains accrochages… Mais la palme revient au Musée d’Orsay qui, après deux ans de travaux, vingt millions d’euros et l’association d’architectes et de designers internationaux, a rouvert ses salles au public. La Galerie impressionniste, et ses murs recouverts par Jean-Michel Wilmotte d’un très joli gris coloré, est à elle seule une réussite. « Nous avons revu Orsay, tout est à revoir », dit avec malice la campagne d’affichage du musée… Tout est à revoir en effet, à commencer par la relation avec son personnel qui a bloqué pendant les six premiers jours de réouverture, en raison d’un mouvement de grève, l’accès à ce nouvel Orsay…

Coups de gueule à l’entrée du Grand Palais le soir du vernissage de la Fiac, lorsque l’interminable file d’attente des « invités » transis de froid s’est finalement vu refuser l’accès à la foire surchargée de visiteurs. Si le service de sécurité a contenu l’émeute, non sans difficulté, il n’a pu canaliser le mécontentement. À l’intérieur, les propositions allaient bon train : « Supprimons la soirée de vernissage ! », entendait-on ici… « Rendons la foire aux professionnels et aux collectionneurs, et fermons l’accès au public ! », entendait-on ailleurs… Ah le public ! Ce gêneur qui, pour économiser le prohibitif ticket d’entrée à 32 e – soit trois fois celui de Beaubourg –, s’arrache le précieux sésame d’invitation du soir de vernissage. Pourtant, ce public ne contribue-t-il pas lui aussi au succès de la Fiac ? Le succès commercial de la foire peut-il faire abstraction de son succès populaire ? Et les galeristes, doivent-ils se couper de leurs collectionneurs potentiels qui, aujourd’hui encore, font partie du grand public ? Le public seul a la capacité de faire le buzz. Et, cette année, il dit qu’il a pris froid, le soir du vernissage de la Fiac…

Coup de blues des éditeurs de livres d’art qui voient les libraires indépendants leur refuser chaque jour davantage leurs nouveautés. Ces derniers s’en défendent, arguant du trop grand nombre de parutions et de la concurrence sévère que leur imposent les grandes surfaces et les libraires en ligne. Il faut vendre et ne plus stocker. Au moment où l’on fête les 30 ans de la loi sur le prix unique du livre, votée en août 1981, toute la chaîne du livre, de l’éditeur au lecteur, doit donc se serrer les coudes. « Et s’il n’y avait plus de libraires ? », titrait récemment Télérama. Et s’il n’y avait plus de livres d’art…

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°641 du 1 décembre 2011, avec le titre suivant : Coups de peinture, coups de gueule, coup de blues

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