Le darwinisme appliqué aux expositions

Par Jean-Christophe Castelain · L'ŒIL

Le 9 décembre 2010 - 460 mots

Avec plus de quatre cents expositions importantes recensées dans les principaux musées d’Europe et d’Amérique, l’année 2011 s’annonce a priori moins riche en événements que 2010. Il y a également moins de grandes rétrospectives monographiques, comme « Monet » au Grand Palais, ou d’ambitieuses confrontations, comme « Picasso et les maîtres » en 2009. On annonce cependant un « Manet » à Orsay et un « Léonard de Vinci » à Londres, mais en l’absence de la liste des œuvres exposées, il est prématuré de mesurer l’ampleur de ces manifestations.

Cet amaigrissement qui s’annonce, en partie dû à la contraction des subventions publiques, est évidemment tout relatif. Je l’ai souvent écrit dans ces colonnes : depuis une quinzaine d’années, l’offre d’expositions excède largement le temps que les visiteurs ont envie de leur consacrer, et cette situation perdure. Il faut donc oublier toute idée de crise. D’autant qu’en raison du principe darwinien d’évolution, conservateurs et commissaires savent s’adapter. On note ainsi plusieurs expositions sur des thèmes très spécifiques, les rapports entre le théâtre et la peinture au XVIIIe siècle (Nantes), la scène de genre au début du XIXe (Toulouse), les copies à la Renaissance française (Aix-en-Provence). S’appuyant sur un corpus plus limitées d’œuvres moins demandées, elles sont ainsi moins coûteuses à produire, ce qui n’enlève rien à leur intérêt. Elles ont aussi le mérite de mettre en avant les collections permanentes du musée, une autre mutation en cours.

Dans un registre similaire, on ne compte plus les collections
publiques ou privées qui s’exhibent hors de leurs murs. C’est le cas au musée des Impressionnismes à Giverny, au palais Lumière à Évian ou encore du musée Marmottan à la fondation Gianadda. Le concept n’est pas neuf, mais il a gardé toute sa pertinence, autant à l’égard du public qu’en raison de son coût, frais de location ou d’assurance, plus faible.

Une troisième formule se développe aussi rapidement :
les expositions coproduites itinérantes. Jean-Léon Gérôme vient du Getty avant d’aller à Madrid, Odilon Redon ira à Montpellier, Cranach au Sénat vient de Bruxelles, etc. Ce procédé, quasi impossible pour les artistes majeurs car les prêteurs rechignent à se défaire de leurs œuvres clés pour plusieurs mois, est adapté aux seconds maîtres. Il permet de mutualiser les moyens (catalogues, prêts…) et offre une certaine souplesse dans l’amplitude de l’exposition, selon les étapes. Mais toutes ces formules reposent sur une ambition qui remonte à cinquante ans, celle du Malraux ministre : mettre les œuvres majeures en contact avec le plus grand nombre. Ambition louable, mais non suffisante aujourd’hui ; il faudra malheureusement attendre une véritable crise pour atteindre une nouvelle et indispensable étape dans la grande évolution muséale : mieux expliquer les œuvres aux visiteurs.

Musée Marmottan (2009) - Photographe Sailko - Licence CC BY 2.5 

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°631 du 1 janvier 2011, avec le titre suivant : Le darwinisme appliqué aux expositions

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