Les Tibétains par Marc Riboud

Par Fabien Simode · L'ŒIL

Le 26 janvier 2010 - 759 mots

Actes Sud ajoute à son catalogue Les Tibétains, un beau livre de photographies en couleur signées Marc Riboud, l’auteur du Peintre de la tour Eiffel. Interview d’un monument que l’on croyait acquis au noir et blanc.

L’œil : Vous venez de publier Les Tibétains, un ouvrage de cent trois photographies couleur prises au milieu des années 1980. Dans quelles conditions avez-vous réalisé ce reportage ?
Marc Riboud : C’était en 1985. Je suis parti au Tibet avec ma femme et un petit groupe d’amis. Je pensais alors prendre quelques semaines de vacances, mais, arrivé sur place, j’ai eu un choc : la lumière. Ce pays semblait n’avoir jamais connu de nuages ni même la moindre brume. Cette lumière lunaire, si particulière, si transparente, est due à l’altitude, et j’ai finalement passé deux semaines à photographier le pays et ses habitants.

L’œil : On restreint souvent votre travail au noir et blanc. Là, les photos sont en couleur, pourquoi ?
M. R. : Vous savez, j’ai très peu de préoccupations techniques, et si je préfère le noir et blanc, ce n’est pas une religion. Au Tibet, j’avais emporté avec moi des pellicules couleur, voilà tout ! Et je ne l’ai pas regretté, car, depuis, je n’ai jamais revu une lumière qui révèle les couleurs aussi brillamment.

Mais j’avais déjà fait de la couleur. Je me souviens qu’en 1965, à l’époque où je publiais dans des magazines, j’avais emporté en Chine deux appareils chargés, l’un avec du noir et blanc et l’autre avec de la couleur. Là aussi j’ai travaillé en couleur simplement parce que je m’étais procuré des films. Cartier-Bresson, qui n’aimait pas la couleur, m’a fait sentir son désaccord.

L’œil : Pourquoi retournez-vous toujours en Asie ?
M. R. : J’ai toujours été attiré par l’Orient et l’Extrême-Orient. Depuis que je suis allé à Calcutta par la route, en six mois, j’ai aimé l’Inde, où je suis resté un an. J’ai appris à y vivre à une époque où l’Orient était encore imprégné d’une culture qui a conquis tous ceux qui ont passé du temps en Inde ou en Chine aussi. Depuis, je suis retourné régulièrement en Chine, mais j’ai aussi voyagé en Afrique, et l’année dernière, pour la première fois, au Brésil…

L’œil : Comment définiriez-vous le style Marc Riboud ?
M. R. : Je n’ai pas cherché à avoir un style. Celui-ci a été conditionné par mon tempérament. Être indépendant est une caractéristique de mon travail, comme de ma vie.
 
En revanche, il est évident que j’ai été influencé par le travail d’Henri Cartier-Bresson. Avec lui, j’ai très vite compris que la forme comptait autant que le sujet, que la composition « picturale » d’une image était primordiale. C’est pour cela que je n’ai pas fait de photo de presse. Il est tentant de photographier les belles actrices, les grands présidents. J’ai photographié de Gaulle, Mao, Nehru, Chou En-lai…, car je m’intéressais à la politique, mais je sentais que sans qualité visuelle, il ne pouvait pas y avoir de bonne photo.

Pourquoi, par exemple, cette photographie prise à Lhassa [reproduite ci-dessus, NDLR] est-elle aussi « forte » ? C’est tout simplement en raison de son approche frontale et de sa construction : de l’horizontale qui, au centre, règle toute l’image et de la grosse poutre verticale qui la barre. Il faut commencer par composer une image dans son œil avant de prendre l’appareil.

L’œil : Vous venez également de sortir le livre Algérie indépendance, une série de photos noir et blanc prises en 1962 (éditions Le Bec en l’air), et vous avez une exposition à la galerie Polka, à Paris, jusqu’au 7 février 2010. Sur quels projets allez-vous désormais travailler ?
M. R. : J’aimerais publier un livre sur l’humour, le drôle en photographie. Autrement, je prépare une exposition de mes photos sur le Tibet à Dallas. Pour cela, je suis en train de faire des essais de tirages en noir et blanc de mes photos couleur. Ce qui était impensable hier et que la technique permet désormais. Je vous ai dit préférer le noir et blanc.

Marc Riboud, texte d’André Velter, Les Tibétains, 166 p., 103 photos, 49 €.

Les ouvrages de photographies en couleur de Marc Riboud sont rares et l’on se félicite de la parution de celui-ci. Néanmoins, si le livre reste à n’en pas douter un très bel objet, l’impression n’est pas toujours soignée et certaines images souffrent d’une dominante terreuse ou, parfois, d’un manque de détails dans les zones sombres. Surtout, la reliure, trop rigide, gêne les clichés imprimés en double page. On attend une deuxième édition…

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°621 du 1 février 2010, avec le titre suivant : Les Tibétains par Marc Riboud

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