Patrimoine et création numérique

Par Jean-Christophe Castelain · L'ŒIL

Le 22 janvier 2010 - 494 mots

Numérisation du patrimoine écrit et soutien à la création sur internet. Deux rapports distincts remis en janvier au ministre de la culture, s’attaquent de front à deux des enjeux les plus importants de la révolution numérique en cours. Le rapport Tessier avance plusieurs pistes pour accélérer la mise à disposition sur le web des livres, journaux ou fascicules de nos bibliothèques : amélioration du portail Gallica, interopérabilité des plateformes, et bien sur relation avec Google. Ce rapport avait été opportunément précédé de l’annonce des 750 millions d’euros pour la numérisation, dans le cadre du grand emprunt. Mais sans diminuer l’effort financier, et le travail de réflexion et d’anticipation nécessaire à la définition d’un modèle pour les 20 ans à venir, il ne s’agit là que de problèmes techniques à résoudre.

Tout autre est le problème de la création et son corollaire, la diffusion des contenus numériques sur internet. On touche ici au comportement des internautes que l’on ne change pas par un texte de loi. Toute une génération s’est habituée à télécharger ou consulter gratuitement, musique, film, encyclopédie, articles de journaux, ou livres. On a longtemps cru que la publicité en ligne allait compenser le manque à gagner avant de réaliser que seule une dizaine de sites pouvaient baser leur modèle économique sur la publicité.

A commencer par le géant Google, qui selon Le Monde, encaisse pour 800 millions de publicité en France (soit plus en 1 an que les 750 millions du grand emprunt !). Résultat, l’industrie du disque est en train de s’effondrer, la presse traverse les difficultés que l’on sait, et l’édition est très inquiète. Seul le cinéma s’est sort plutôt bien, car il est toujours plus agréable de voir un film en salle que sur son ordinateur. Les internautes n’en ont cure car les conséquences en termes de création ne sont pas visibles. Ils n’ont pas le sentiment qu’il y a moins de nouveautés musicales, moins de livres ou que le contenu de la presse s’est appauvri. C’est un peu comme l’écologie : on comprend bien que le réchauffement de la planète va provoquer des désastres, mais comme ce sont surtout les prochaines générations qui vont en souffrir on ne change pas radicalement son mode de vie. D’autant que l’incroyable base de données instantanée que constitue internet est telle que le confort qu’elle apporte masque totalement la perception des risques sur la création.

Toute idéologie mise à part, la loi Hadopi était indispensable pour envoyer un premier signal aux pirates. Les propositions du rapport Zelnik, contiennent quelques pistes, notamment la Carte musicale, mais elles restent insuffisantes pour modifier les comportements. Ce sont encore une fois aux acteurs de se prendre en charge. Pour en revenir à la presse, les grands quotidiens ont tous annoncé que la part payante de leurs sites internet allait augmenter au détriment de la part gratuite. Ce retour au payant est salutaire. Espérons que le tempo du reflux soit le même que le déferlement du gratuit.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°621 du 1 février 2010, avec le titre suivant : Patrimoine et création numérique

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