Arrêt sur image

John William Waterhouse

Fragile Sainte Cécile

Par Colin Lemoine · L'ŒIL

Le 18 novembre 2009 - 410 mots

Qui pénètre dans les salles enténébrées du musée des Beaux-Arts de Montréal sera surpris par le contraste entre la noirceur des cimaises et les œuvres éblouissantes de John William Waterhouse (1849-1917).

Là, au cœur d’un parcours épuré où la césure entre chaque salle résulte de deux rideaux maintenus par des bras démembrés, les toiles diaprées rutilent dans l’obscurité épaisse, comme autant de mirages. Habile, cette scénographie du dévoilement ne contrevient aucunement à la production d’un artiste longtemps demeuré dans l’ombre, ce dispositif théâtral ressemblant moins à un artifice scénique gratuit qu’à des coulisses savamment orchestrées, celles d’où il convient d’extraire l’œuvre méjugé de Waterhouse.

Accords et désaccords
L’oubli dont l’artiste sera l’objet est à la mesure de la réputation que lui réservent ses contemporains : immense. Né à Rome en 1849 alors que les préraphaélites viennent de se constituer un an plus tôt en confrérie, Waterhouse rejoint bientôt Londres où, dès 1871, il s’inscrit à la Royal Academy. Mais si ses premiers tableaux antiquisants évoquent incontestablement Lawrence Alma-Tadema, ils trahissent aussi une mélancolie et une monumentalité singulières (Après la danse). Ses peintures d’histoire, complexes et ambitieuses (Mariamne), révèlent rapidement une dramaturgie sophistiquée et volontiers occulte (Le Cercle magique).
   
    Délaissant les expédients académiques et historicistes, les toiles de Waterhouse échappent peu à peu aux classifications typologiques. La mort, la sexualité et le mystère hantent désormais une production dont les différentes versions de la Dame de Shalott – exceptionnellement réunies – donnent à voir la polysémie formelle.

Maniérisme et modernité
Célèbre et célébré, Waterhouse décline des chefs-d’œuvre délictueux où la femme n’est jamais qu’une tentatrice verlainienne au royaume de l’inquiétante étrangeté (Ariadne). Funambule sur le fil de la modernité, l’artiste révèle combien fragile est la limite entre une imagerie sucrée – celle des dernières années – et une volupté cruelle, entre Éros et Thanatos, entre un thème préraphaélite et un traitement impressionniste. Fragile comme cette Sainte Cécile d’autant plus inoubliable qu’elle est le tableau victorien le plus cher jamais adjugé…

Biographie

1849
Naît à Rome. En 1854, sa famille emménage à Londres.

1871
Jusqu’ici élève de son père, il entre à l’école de peinture de la Royal Academy.

1874
Bonne réception du tableau Le Sommeil et son demi-frère la Mort à la Royal Academy où il présentera une œuvre presque tous les ans.

1888
Peint la première version de la Dame de Shalott. Deux autres suivront en 1896 et en 1916.

1895
Élu membre de la Royal Academy.

1917
Meurt à Londres.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°619 du 1 décembre 2009, avec le titre suivant : John William Waterhouse

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