Pierre-Alexis Dumas : « Il s’agit de tisser des liens justes, dans une confiance réciproque. Il faut éviter les dérives, j’en vois beaucoup. »

Président de la Fondation Hermès

Par Christine Coste · L'ŒIL

Le 15 mai 2014 - 688 mots

Fils de Jean-Louis Dumas, ancien président de la maison Hermès, Pierre-Alexis Dumas est l’actuel directeur artistique d’Hermès et président de la Fondation d’entreprise Hermès.

Qu’est-ce qui vous a conduit à coproduire l’exposition « Formes simples » avec le Centre Pompidou-Metz ?
p.-a. d. Cofondée par Hermès International et Hermès Sellier, la Fondation d’entreprise Hermès exprime l’esprit intègre et participatif qui prévaut dans les maisons d’artisans. Cet esprit, nous avons essayé de l’insuffler dans toutes les actions menées par la fondation depuis sa création en 2008. Pour le second cycle de ses engagements, programmé sur 2013-2018, nous avons pris la décision avec Catherine Tsekenis, la directrice de la fondation, de soutenir des actions fortes auprès des institutions. Depuis trois ans, nous développons aux côtés du Centre Pompidou-Metz le projet d’exposition « Formes simples ». Dès le début, nous avons eu envie de travailler avec cette institution, non pas comme un simple sponsor qui viendrait « coller son nom » et donner de l’argent, mais comme un véritable partenaire impliqué dans le processus de réflexion et de décision, sans prendre la place de quiconque, justement pour défendre l’intégrité du projet. J’espère que cette production sera une référence et montrera qu’il est possible de monter un type de partenariat plus poussé, plus vertueux.

Est-ce un mode de mécénat voué à se développer pour les fondations d’entreprise, voire les entreprises ?
Je le pense, car il y a un besoin de transparence, d’éthique, de comprendre pourquoi un mécène ou un sponsor vient soutenir telle ou telle action ou activité d’une institution culturelle. Par ailleurs, la réduction des budgets de la plupart des institutions publiques les conduit nécessairement à trouver d’autres financements.

Cette première coproduction a-t-elle engagé la Fondation Hermès à repenser ses propres engagements culturels ?
Ce partenariat nous aide, comme un modèle, à calibrer nos choix, non au niveau de nos galeries d’expositions [comme La Verrière à Bruxelles,qui expose jusqu’au 12 juillet Hubert Duprat, ndlr] où nous sommes auto-producteurs, mais au niveau de nos prochaines coproductions. Metz a été une formidable opportunité. Le Centre Pompidou-Metz est un musée magnifique. Tout me plaît dans ce projet : l’échelle de l’institution, l’échelle des équipes, ce territoire qui a soif d’ouverture, qui est un carrefour différent de Paris. Hermès est implanté partout en France. C’est très stimulant d’être présent dans un territoire aussi dynamique, en dehors de la capitale qui concentre beaucoup de choses.

Les prochaines coproductions seront-elles menées avec d’autres musées en région ?
Nous y travaillons. Nous discutons sur plusieurs projets de coproduction en dehors de Paris, et à Paris. Je ne souhaite pas imposer de calendrier, sachant que notre ambition est de mener des projets en profondeur.

La coproduction avec le Centre Pompidou-Metz marque-t-elle une évolution à venir entre musée et fondation d’entreprise ou entreprise ?
Certainement, mais elle est aussi un regard critique sur ce qui se pratique avec un désir de remettre en cause la démarche habituelle. Nous avons bien senti quand nous avons demandé à l’institution d’être coproducteur que cela allait poser un problème, que nous lui en demandions peut-être trop. Cela a fait l’objet d’un débat, car cette coproduction allait créer un antécédent. Il a fallu que nous expliquions notre démarche, que l’on nous fasse confiance. C’est absolument normal.

Est-ce à dire que du côté des institutions, les mentalités doivent encore évoluer ?
Les institutions doivent s’ouvrir sans jamais dénaturer à la fois leur identité et leurs missions.

Les mentalités évoluent-elles ?
Les institutions publiques que j’ai rencontrées ont un vrai désir d’aller plus loin, de trouver des solutions de financements efficaces. Dans le secteur public, on a compris que l’on a vraiment besoin du privé, mais pas à n’importe quel prix. Et de notre côté, on sent bien qu’il y a davantage d’écoute. Ensuite, il s’agit de tisser des liens justes, dans une confiance réciproque. Il faut éviter les dérives, j’en vois beaucoup. Des règles doivent être définies et une charte du mécénat dans le domaine public établie.

L’appelez-vous de vos vœux ?
Oh ! Oui. Le ministère de la Culture a déjà bien défendu le mécénat privé, et c’est formidable. Mais cette charte est nécessaire.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°669 du 1 juin 2014, avec le titre suivant : il s’agit de tisser des liens justes, dans une confiance réciproque. Il faut éviter les dérives, j’en vois beaucoup

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