Christian Deydier - L'empire des sens

Par Jean-Christophe Castelain · L'ŒIL

Le 1 juin 2006 - 582 mots

À force de le voir monter en première ligne pour défendre les intérêts des antiquaires, on avait oublié qu’il est aussi un expert reconnu d’art chinois.

Car Christian Deydier, qui vient d’être élu pour la cinquième fois à la tête du Syndicat des antiquaires, est d’abord galeriste et historien de l’art. Il est même l’un des rares spécialistes internationaux des bronzes et orfèvres chinois, des Shang (xviie avant J.-C.) aux Han (iie après).
Il voulait être ingénieur spatial, mais son entourage l’a ramené vers l’Asie. Enfant, le musée Cernuschi est son terrain de jeu. S’il choisit d’être antiquaire plutôt que chercheur, c’est parce que le métier de marchand lui permet de toucher les objets.

Un œil sûr et affûté
Il reconnaît avoir de la chance et de l’intuition pour détecter les bonnes pièces. Mais ses amis disent qu’il a un œil très pointu. C’est qu’il fait œuvre d’historien de l’art. Ses livres font référence. Celui sur l’or de la Chine ancienne repose sur des rapports de fouille. Des fouilles qu’il continue à pratiquer ou à « mécéner ».
Pour autant, Christian Deydier n’a rien d’un sage confucéen. Âgé de cinquante-six ans, il est doté d’un physique impressionnant. Grand, le crâne rasé, son regard peut terrifier. Même lorsqu’il sourit, on reste sur ses gardes.
Emporté comme les crues du fleuve Jaune, il est volontiers provocateur. Il raconte avec gourmandise que lorsqu’il était à Londres, lassé par le microcosme anglais qui ne l’épargnait pas, il avait organisé dans sa galerie une exposition sans aucune œuvre. En lieu et place : un immense buffet. Avec cela, toujours une petite phrase gentiment assassine pour ses collègues. « C’est un vrai leader, dommage qu’il soit si peu diplomate », soupire un de ses proches.

Un caractère rude et attachant
Pourtant, l’homme peut être attentionné et généreux. Ses amis le savent bien, à commencer par les époux Chirac dont il est proche.
Sa vie est jalonnée d’épreuves et d’expatriations. Petite enfance au Laos, où son père est le conservateur du musée de Vientiane. Ce dernier disparaît dans des circonstances dramatiques. Retour en France. Pensionnat. À vingt ans, il part pour Taïwan où il séjourne pendant deux ans pour perfectionner ses connaissances en archéologie et en langue chinoise.
À l’époque, les conditions de vie étaient plus que rudimentaires. Il monte un « petit business » de vente de jade pour payer son séjour. À son retour en France, on pourrait croire que ses activités d’expert allaient le fixer. Eh bien, non, il s’installe à Londres en 1983 avant de revenir sur le continent dix ans plus tard.
Mais, depuis quelque temps, un déclic semble avoir eu lieu. « J’ai décidé de vivre », dit-il. Après ses enfants et sa galerie, la cuisine est sa troisième passion. Il annonce que c’est son dernier mandat au SNA, mais l’on voit bien que l’envie de continuer afin de donner un nouvel élan à la Biennale le taraude. Et puis il s’intéresse de plus en plus aux sculptures bouddhiques. Le début de l’éveil pour cet éternel insatisfait ? Une chose est sûre, le jour où il reviendra au Laos, où il n’est jamais retourné, il aura accompli sa révolution culturelle.

Biographie

1950
Naissance au Laos.

1970
Après des études de mathématiques puis de langue et civilisation chinoise, long séjour à Taïwan.

1980
Expert à Drouot en art d’Extrême-Orient. Sa première vente : des gardes de sabres japonais.

1983
Installation à Londres. Ouverture de la galerie en 1987.

1997
Ouverture de la galerie parisienne Oriental Bronzes.

1998
Chevalier de la Légion d’honneur.

2002-2006
Président du Syndicat national des antiquaires.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°581 du 1 juin 2006, avec le titre suivant : Christian Deydier - L'empire des sens

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