Cinéma

David Lynch, petites mécaniques oniriques

Par Manou Farine · L'ŒIL

Le 1 août 2007 - 387 mots

On attendait son film depuis cinq ans. Depuis le déjà cultissime Mulholland Drive. On attend l’exposition à la fondation Cartier, première rétrospective d’envergure de Lynch plasticien. Les deux s’annoncent donc coup sur coup comme un jeu de piste ou de vases communicants engagé entre deux pratiques adossées l’une à l’autre. Inland Empire contre The Air is on Fire. C’est pourtant bien par les beaux-arts que Lynch établit ses premières hypothèses de travail. On est en 1965, le jeune homme est à Philadelphie, aime Pollock et Bacon et sait qu’il sera peintre. Bergman, Fellini et le fantasme d’une toile en mouvement se chargent – aime-t-il à raconter – de le pousser vers le cinéma expérimental.
On connaît la suite : d’Eraserhead (1977) ovni fantastique filmé en noir et blanc à Mulholland Drive (2001), polar halluciné voyageant dans la psyché féminine et les collines d’Hollywood, d’Elephant Man (1980) à Inland Empire, filmé en numérique, Lynch met en image des espaces fantasmatiques aussi
rigoureux qu’obsessionnels. Abîmes envoûtants, images luxuriantes, figures récurrentes, distorsions angoissantes du réel et récits labyrinthiques, la planète Lynch envoûte et égare tout à la fois sur le mode du plaisir et de l’angoisse. Le tout nappé d’une divine texture sonore.
On connaît tout cela, qui fut couronné cette année d’un Lion d’or à La Mostra de Venise. Restent les expérimentations parallèles. Les voilà exposées et scénarisées à la fondation Cartier. Retour en 1965. Lynch n’a finalement pas cessé de se rêver peintre. Alors il peint, photographie, dessine, installe, écrit, compose, sans hiérarchie, sans que ces activités ne se dérangent le moins du monde. L’exposition semble d’ailleurs opter pour une telle juxtaposition des pratiques en évitant de s’afficher tout à fait comme antichambre ou laboratoire secret de la fabrique cinématographique lynchienne.
Déplacé, trié, mis en scène, c’est l’atelier de l’artiste que l’on devrait y découvrir. Peintures épaisses, matiéristes et petits films d’animation ne devraient toutefois pas priver les aficionados de résonances cinématographiques. En témoignent les quelques créatures sensuelles ou monstrueuses, le décor grandeur nature, les compositions narratives dans ses peintures les plus récentes et les figures féminines solitaires sur canapé, qui pourraient bien nous ramener au petit théâtre maléfique de ­Lynch.

« The Air is on Fire », fondation Cartier, 261, boulevard Raspail, Paris XIVe, tél. 01 42 18 56 50, du 3 mars au 3 juin 2007.

Thématiques

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°589 du 1 mars 2007, avec le titre suivant : David Lynch

Tous les articles dans Expositions

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque