Départ

Neil MacGregor quitte le British Museum

Par Vincent Noce · lejournaldesarts.fr

Le 9 avril 2015 - 918 mots

BERLIN / ALLEMAGNE

BERLIN (ALLEMAGNE) [09.04.15] – Après son départ du British Museum qu’il dirigeait depuis 2002, Neil MacGregor (69 ans) va notamment conduire la mission de préfiguration du centre culturel qui sera hébergé dans le futur Château de Berlin.

Il est le directeur de musée le plus admiré au monde. A 69 ans, Neil MacGregor a annoncé son départ du British Museum, à la fin de cette année. « C’est un bon moment pour partir », a-t-il lancé à ses collègues très émus, en faisant notamment référence à la nouvelle extension comprenant un espace d’exposition, un laboratoire et un centre de recherche. Il a redit sa foi dans la mission d’un musée « mis à la disposition du monde pour promouvoir la connaissance de l’humanité gratuitement, aussi largement que possible ». Neil MacGregor compte poursuivre une semi-retraite.

La ministre de la Culture allemande Monika Grütters lui a ainsi confié la direction de la mission de préfiguration du Humboldt Forum, centre culturel qui sera hébergé dans le futur Château de Berlin. Neil MacGregor sera épaulé par l’historien de l’art Horst Bredekamp, et Hermann Parzinger, Président de la Fondation du Patrimoine culturel de Prusse. Le centre culturel Humboldt Forum abritera notamment une salle d’exposition temporaire ainsi que les collections extra-européennes des musées étatiques de Berlin. La reconstruction du Château de Berlin devrait être achevée d’ici 2019. L’actuel Directeur du British Museum quittera ses fonctions à la fin de l’année et débutera son mandat de deux ans à Berlin en octobre prochain.

L’artisan du redressement du British Museum
Ce lettré, qui parle un allemand et un français parfaits, a séduit Angela Merkel et sa ministre de la Culture quand il leur a fait visiter sa dernière exposition consacrée à l’histoire de leur pays. Lors d’une remise de décoration à l’ambassade d’Allemagne, en janvier, il a confié comment un film aussi édifiant que Je suis un mec, une bombe sexuelle avait pu lui ouvrir des horizons nouveaux, quand il parcourait à seize ans les quartiers louches de Hambourg.

A son arrivée en 2002, le British Museum était en plein désarroi. En déficit chronique, ayant perdu 15 % de son personnel, il connaissait sa première grève depuis sa fondation. Le projet d’un centre de recherches venait d’être enterré. Sous son égide, la fréquentation est passée de 4,6 millions à 6,7 millions de visiteurs (la seconde au monde, après le Louvre). Il a notamment invité les communautés immigrées à des fêtes coutumières en son enceinte. Il a décuplé le montant des donations et pratiquement doublé le budget, même si celui-ci est de nouveau affecté par les coupes budgétaires du gouvernement conservateur.

Adepte d'une culture cosmopolite, fier de compter nombre de conservateurs étrangers parmi ses amis, MacGregor a aussi multiplié les partenariats, de l'Afrique à l'Asie. En 2002, il avait confié au Journal des Arts son intention de faire du British Museum une vaste « bibliothèque de prêts pour le monde ». Il est devenu aujourd’hui le musée le plus prêteur de la planète (5 000 objets sont partis en 2013-2014 dans 335 lieux). En revanche, il s’est opposé à toute idée de restituer à la Grèce les marbres du Parthénon. Il a ainsi mis en garde contre tout risque de disloquer une collection universelle, voulue depuis sa naissance comme un lieu de curiosité, de dialogue et d’apprentissage de la tolérance.

Typique de sa démarche est l’étude collective conduite autour cent pièces prélevées dans les collections, d’une pierre taillée de Tanzanie à une carte bancaire. Les conservateurs étaient invités à commenter chaque objet pour fonder un récit illustrant l’histoire de l’humanité. MacGregor en a tiré la synthèse dans un livre brillant et un feuilleton à la BBC, qui a été téléchargé 40 millions de fois à travers la planète.

Cet encyclopédiste des temps modernes, homme charmant, est aussi un amoureux de la France, spécialiste de la peinture française du XVIIe, qui a étudié la philosophie à l’Ecole normale supérieure rue d’Ulm. Il aurait pu se retirer à la chambre des Lords, mais il préfère continuer à courir le monde en ambassadeur de bonne volonté : il est le seul directeur dans l’histoire de la National Gallery à avoir décliné l’honneur d’être anobli par la reine. Tous ces chiffres n’auraient guère de sens s’il ne les avait portés dans un inlassable message humaniste.

« Une chance historique pour l’Allemagne »
La ministre de la Culture allemande s’est félicitée que ce fin connaisseur de l’Allemagne « mette à disposition son savoir universel » pour développer le concept du Humboldt Forum. Neil MacGregor a de son côté salué l’opportunité de développer « l’incomparable potentiel des collections berlinoises ». Le rassemblement des collections extra-européennes dans un même lieu sera l’occasion d’observer les cultures du monde, a-t-il ajouté. « C’est une chance historique pour l’Allemagne, l’Europe, et le monde entier », a-t-il conclu. Neil MacGregor a par ailleurs dévoilé à la presse britannique que ce projet berlinois ne constituerait pas sa seule activité, puisqu’il participera notamment à une émission radiophonique et à un autre projet à Mumbai (Bombay en Inde).

Le nouveau maire de Berlin Michael Müller s’est félicité de cette nomination, ainsi que le Président de la Fondation du Patrimoine Culturel de Prusse, Hermann Parzinger. Ce dernier a déclaré que Neil MacGregor était la « personne idéale » pour la tâche à accomplir. Sa conception de la médiation culturelle et son réseau international fourniront au Humboldt Forum un rayonnement nécessaire, conclut-il. La presse allemande salue quant à elle unanimement l’arrivée d’une « star », d’un « poids lourd » à Berlin.

Légende photo

Neil MacGregor © Photo British Museum

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