Justice

Mugrabi bluffe-t-il sur la valeur de sa collection ?

Par Shahzad Abdul (correspondant à Washington) · lejournaldesarts.fr

Le 13 novembre 2017 - 539 mots

NEW YORK (ETATS-UNIS) [13.11.17] - La justice américaine a ordonné à l’entreposeur de la collection de la famille Mugrabi de lui permettre de récupérer son bien qu’elle estime à 100 M$. Une évaluation qui fait débat.

C'est la question à 100 millions : quelle est la valeur des oeuvres des Mugrabi, l'une des plus influentes familles de collectionneurs d'art aux Etats-Unis ? D'ordinaire très discret sur la question, le clan Mugrabi a dû livrer lui-même, à l'occasion d'un différend avec son entreposeur qui s'est soldé par une plainte en justice à New York, une estimation qui n'a pas laissé les experts indifférents.

Dans un recours déposé fin octobre devant la Cour suprême new-yorkaise, David Mugrabi, fils du collectionneur Jose Mugrabi, reproche à l'entreprise Mana Contemporary d'avoir « pris en otage » ses 1 389 oeuvres dans le New Jersey, auxquelles il n'a plus accès ni pour les vendre, ni pour les exposer. Au total, avait-il écrit, « la collection d'art Mugrabi », dont plusieurs centaines de peintures d'Andy Warhol, mais aussi des Jean-Michel Basquiat ou Damien Hirst, est évaluée à « plus de 100 millions de dollars».

Lorsqu'il a vu ce chiffre dans la presse, Richard Polsky, expert en authentification d'art spécialisé dans les Warhol et les Basquiat, a immédiatement pensé « à une erreur du journaliste ». De toute évidence, pour ce spécialiste basé à San Francisco, l'estimation ne peut pas recouvrir « la totalité de la collection ». « Evidemment, ils ne stockent pas tout ce qu'ils possèdent. Ils ont des bureaux qui appartiennent à Jose Mugrabi et où sont probablement accrochés certains de leurs plus précieux Warhol. Je pense aussi qu'ils ont quelques peintures chez eux et dans leurs résidences secondaires », explique Richard Polsky au Journal des Arts.

L'estimation semble d'autant plus hasardeuse, voire sous-estimée, pour nombre d'experts interrogés, que la valeur des oeuvres d'Andy Warhol s'est envolée ces dernières années, en témoigne la vente record en novembre 2013 à New York du Silver Car Crash (Double Disaster) , un Warhol acquis à lui seul pour 105,4 millions de dollars lors d'une enchère. « Cette vente à 105 millions est une aberration, un prix anormal », nuance Mark Winter, directeur du cabinet Art Experts à New York, qui affirme que « la plupart des Warhol se vendent moins de 100 000 dollars ». En se basant sur une valeur totale de la collection à 100 millions, calcule-t-il, la moyenne des 1 389 oeuvres serait de 72 000 dollars. « La plupart des peintures sur le marché valent moins de 72 000 dollars. On peut donc facilement posséder 1 389 oeuvres pour une valeur totalement inférieure à 100 millions », conclut Mark Winter.

Sur le fond, l'affaire judiciaire a été tranchée en faveur de la famille Mugrabi ce mercredi 8 novembre par le juge fédéral de Manhattan Edgardo Ramos. Dans sa décision, il a donné jusqu'au lundi 13 novembre à Mana Contemporary pour restituer l'ensemble des 1 389 oeuvres aux Mugrabi, qui encouraient un « préjudice réel, imminent et irréparable ».

Avec cette décision rapide du juge, la famille Mugrabi échappe à un exercice périlleux auquel elle s'était pourtant engagée à se prêter, dans sa plainte initiale : « prouver la valeur » de sa collection.

Légende photo

Andy Warhol - Silver car crash (double disaster) (1963) - 267,4 x 417,1 cm - Vente du 13 novembre 2013 à Sotheby's New York - Adjugé 105 445 000 $ - © Sothebys

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