Un rêve d’élégance

Cecil Beaton 1920 - 1970

Par Le Journal des Arts · Le Journal des Arts

Le 1 janvier 1995 - 307 mots

\"Mon tout premier souvenir est celui d’une femme dansant sur une table chez Maxim’s\". Cette confession pourrait caricaturer Sir Cecil Beaton à l’extrême, comme le photographe du futile, d’une extravagance très mondaine, de mythes rabâchés.

Le somptueux ouvrage - le Maître ne méritait pas moins - de David Alan Mellor et Philippe Garner veut corriger cette image. Sir Cecil était un touche à tout accompli : dessinateur de nombreux costumes et décors, comme pour My Fair Lady, auteur du premier livre sur les photographes britanniques British Photographers, peintre de portraits à l’huile de personnalités, photographe de plateau, comme durant le tournage de Performance de Nicholas Roeg avec Mick Jagger…

Mais qu’il soit l’un ou l’autre, Sir Cecil est habité par le même rêve d’élégance. Il gomme les laideurs du monde, ne s’intéresse pas au réalisme, même s’il est photographe officiel de la Royal Air Force pendant la guerre. Il préfère toujours jouer des artifices de la mise en scène, quitte à lasser. Il se situe volontairement "aux antipodes de Steichen, qui abordait ses prises sans détour ni compromis". Beaton aime mieux "dérober ses modèles à un regard trop direct en les dissimulant dans le flou d’une charmille fleurie, d’une antre argentée ou de l’Hadès d’un tissu à pois".

S’il travaille pour Vogue, Vanity Fair ou Harper’s Bazaar, il cherche encore plus à enjoliver ses modèles avec des éclairages chatoyants, à les parer de tous les atours pour les anoblir. "Dans l’imagination de Beaton, la photo retrouve son rôle d’objet précieux, choyé et respecté ; un objet collectionné, vénéré quasiment comme un souvenir proustien", relève David Alan Mellor.

La reine Elizabeth II savait bien qu’elle ne courait aucun risque en le choisissant, dès son couronnement, comme photographe de la Cour d’Angleterre.

Cecil Beaton, "Photographies 1920-1970", textes de David Mellor et Philippe Garner, Éditions Schirmer/Mosel, 320 p., 498 F.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°10 du 1 janvier 1995, avec le titre suivant : Un rêve d’élégance

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