Peter Galassi, Henri Cartier-Bresson. Un siècle moderne

Sur les quatorze mille rouleaux qu’il a imprimés entre la fin de la guerre et 1976 (date à laquelle il interrompt sa carrière), combien d’images ont seulement été reproduites dans les journaux ? Et, parmi celles-ci, combien ont véritablement acquis le statut d’icônes ? Cent… Quatre cents… Mille ? En fait bien peu au regard des plus de cinq cent mille images que représente l’œuvre complet – un rouleau équivalant à trente-six poses environ !

C’est toute la force de la récente exposition du MoMA et de son catalogue – que nous avons le plaisir, une fois n’est pas coutume, de lire dans sa version française – que de montrer l’extraordinaire étendue de ce fonds, tout en relisant, sinon en ébranlant, le mythe « HCB ». Car à côté de véritables pépites photographiques, gravitent des images, sur le plan visuel ou de l’information, faibles. Soit que Cartier-Bresson n’ait pas trouvé le bon angle ; soit que le sujet l’ait peu intéressé.

Elles ne sont pas pour autant sans intérêt. Car la relecture de son travail à l’aune de son inégalité en apprend beaucoup à Peter Galassi, le conservateur en chef du MoMA, sur la méthode HCB (sa mobilité autour du sujet, ses relations avec ses clients, etc.), ainsi que sur la personnalité si complexe de cet « œil du siècle ». Ainsi voit-on se dessiner au fil des pages un Cartier-Bresson tentant de s’adapter aux contraintes de la couleur, sans y parvenir… Ou un Cartier-Bresson plus détaché qu’on ne le croit souvent du devenir de ses images… Assurément la première pierre d’un édifice appelé à grandir.