Peindre avec des mots

Par James Benoit · L'ŒIL

Le 16 janvier 2018 - 332 mots

Henry James, qu’on considère aujourd’hui comme l’un des auteurs majeurs du réalisme littéraire, n’a cessé de s’intéresser aux arts visuels et d’échanger longuement avec les peintres de son temps.

Jean Pavans, grand connaisseur et traducteur de ses œuvres, propose dans cet essai une lecture sur son cheminement, à la lumière de sa biographie et de ses écrits. Si dans ses jeunes années, à dix-huit ans à peine, s’essayant d’abord au dessin, James décide de « rempocher son crayon » et d’abandonner par là toute ambition picturale, c’est d’abord par honnêteté artistique, par admiration de la concentration et du travail de son frère, et parce qu’il jugera mieux témoigner des « mystères d’une scène » par l’angle de la littérature. Il demeurera cependant intimement lié, par le sens même de son art, à la création esthétique. À travers ses chroniques artistiques, et en particulier dans son appréciation de Delacroix, peut-être le plus littéraire des peintres, il questionnera toujours les rapports de proximité entre la plume et le pinceau, élargissement de la question de la forme et du fond. S’interrogeant sur les analogies entre la représentation et la description, la vue et les mots, il s’attachera à détailler les jeux de miroirs entre l’art du romancier et celui du peintre, ce qui les rapproche, bien que leur médium et leur temporalité soient différents ; ce qui les oppose, bien que la matière première de leur inspiration et leur intention créatrice soient les mêmes. Sous la palette de l’écrivain, les deux arts semblent procéder d’une même grammaire, de la conjugaison de mêmes signes et de mêmes intonations qui suivent les courants de l’époque. En « maître du langage fasciné par les formes visuelles », Henry James s’emploiera à « déployer son œil » d’écrivain pour composer une œuvre littéraire des plus graphiques qui tendra à explorer les phénomènes de la conscience et de la perception. Il creusera ainsi un style qui fera dire à propos de ses derniers écrits, juste retour des choses, qu’il est le premier écrivain impressionniste. Renouvellement de l’écriture romanesque. Redécouvrons.

Jean Pavans, Le Musée intérieur de Henry James

Seuil, 208 p., 27 €.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°701 du 1 mai 2017, avec le titre suivant : Peindre avec des mots

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