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Yonathan Avishai : « Mon rêve, imaginer le jazz dialoguant avec d’autres éléments »

Par Laure Albernhe · L'ŒIL

Le 2 février 2019 - 636 mots

PARIS

Chaque mois, Laure Albernhe, l’animatrice des Matins Jazz sur les ondes de TSF JAZZ, rencontre un musicien inspiré par les arts visuels. Ce mois-ci, rencontre avec le pianiste Yonathan Avishai.

Yonathan Avishai, pianiste
Yonathan Avishai, pianiste
© Ziv Ravitz

Le pianiste a grandi en Israël, où il a fait l’apprentissage du jazz dans une famille amatrice de culture et d’art. Mais c’est à Paris qu’il a fait la rencontre d’une œuvre qui a marqué sa vie et sa musique, celle du peintre américain Mark Rothko.

Comment avez-vous découvert l’œuvre de Rothko ?

Yonathan Avishai  - J’ai découvert ces tableaux il y a quelques années dans un documentaire consacré à Rothko. C’était sur une petite télé, mais je me souviens de l’impact que ces images ont eu sur moi. J’ai tout de suite senti quelque chose d’émotionnellement très fort. Ensuite, j’ai vu les œuvres dans des livres, puis dans des musées, notamment au Centre Pompidou à Paris, au MoMA à New York et enfin, l’an passé, à la National Gallery of Art de Washington, qui lui consacre une pièce entière assez incroyable.
J’aime beaucoup l’art, j’ai l’habitude de fréquenter les musées, mais je suis parfois mal à l’aise avec l’appréhension d’une œuvre… Avec Rothko, j’ai l’impression que tout fonctionne, y compris la façon d’accrocher les tableaux, qui d’ailleurs n’ont pas de cadre. Il y a quelque chose de musical dans ce contact avec l’émotion.

Quel est le lien entre l’image et la musique ?

Je ressens ces œuvres comme une émotion pure, il n’y a pas de processus intellectuel, c’est peut-être cela qui les rapproche de la musique. Et de ma musique en particulier. J’essaie, moi aussi, d’atteindre un effet émotionnel fort avec une économie de moyens.
On pourrait presque accuser Rothko de facilité avec cette déclinaison de rectangles de couleur, mais je ressens quelque chose de désespéré dans ses toiles. Cette urgence me touche beaucoup, ce sentiment qu’il s’agit d’une question vitale. En tant qu’artiste, on découvre vite qu’on n’a pas le choix : il faut accepter ce qui est. Même si ça n’est pas toujours simple ni agréable. J’ai l’impression que Rothko pose des questions profondes, d’ordre spirituel. Dans ses tableaux, il y a toujours cette question de la limite : entre la lumière et le noir, entre la vie et la mort. C’est comme lorsqu’on regarde la mer à l’horizon, on ne sait plus où s’arrête le ciel ni où commence la mer. Pour moi, il va à l’essentiel, à la ligne de séparation entre deux couleurs.

En quoi la fréquentation de l’œuvre de Rothko peut-elle inspirer votre musique ?

Pour ma musique, tout est source d’inspiration, y compris par le regard. Je pars souvent d’une idée ou d’une vision qui me touche, ça peut être un objet ou un tableau. Avec Rothko, je rêve de créer un écho de son œuvre. J’ai envie de proposer des tableaux musicaux en imaginant des moments d’émotion forte, sans qu’il y ait forcément une évolution. Juste un bloc d’émotion, c’est intéressant à rechercher.

Envisageriez-vous une collaboration avec un peintre vivant ?

Pas forcément avec la peinture, plutôt avec la scénographie… De la lumière sur scène, ce qui ne se fait pas forcément en musique. Il s’agirait d’imaginer, avec mon groupe Modern Times, tout un espace dans lequel la musique vivrait, un moyen d’associer des sons qu’on crée et des couleurs. Sur scène, il y a forcément des couleurs, de la composition, de la danse, qu’on le veuille ou non. Il y a un ensemble que les gens entendent et voient. Mon rêve, ce serait d’imaginer le jazz, avec son côté vivant, dialoguant avec d’autres éléments, comme la lumière. Par exemple, quelle émotion se crée si on joue un morceau sur une scène totalement plongée dans le noir ? C’est une question qui me travaille : comment du son que l’on crée ou comment un tableau occupent l’espace.

À écouter
Le nouvel album de Yonathan Avishai : Joys and Solitudes (ECM).
À retrouver
Laure Albernhe dans les Matins Jazz,du lundi au vendredi 6h à 9h30 sur TSF JAZZ, la radio de tous les jazz. www.tsfjazz.com

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°720 du 1 février 2019, avec le titre suivant : Mon rêve, imaginer le jazz dialoguant avec d’autres éléments

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