Cinéma

Les bras bleus de Frida Kahlo

Par Adrien Gombeaud · L'ŒIL

Le 8 avril 2021 - 432 mots

Animation -  En 1939, Josep Bartolí, dessinateur catalan, franchit les Pyrénées. Avec ses camarades républicains, il est enfermé dans un camp en marge de Perpignan par le gouvernement français.

Au fil des jours, dans un noir et blanc charbonneux, il dessine la faim, la boue, la cruauté des matons… Puis il s’évade et gagne le Mexique. Josep est certainement l’un des plus beaux films d’animation de l’année 2020.

Son metteur en scène, le dessinateur Aurel, y dépeint… un autre dessinateur. Au second plan, jaillit aussi une grande figure de la peinture : Frida Kahlo. « On ne sait pas vraiment quelle a été la nature de la relation entre Josep Bartolí et Frida Kahlo. La légende familiale veut qu’ils aient été amants. Si cela fut le cas, leur relation aurait débuté à New York et non à Mexico, comme dans le film », précise Aurel. Pour croquer Frida Kahlo, l’auteur est parti de photos. « Je me suis rendu compte que la plupart des représentations qui circulent aujourd’hui s’inspirent moins de la vraie Frida Kahlo que de Salma Hayek jouant son rôle dans le film de Julie Taymor ! Sans doute parce que Salma Hayek renvoie à des critères de beauté plus contemporains. »

La première apparition de Frida Kahlo restera comme l’une des séquences les plus sensuelles de l’histoire du cinéma d’animation. Vénus latine, Frida sort de la mer, relève sa lourde chevelure brune, souffle un nuage de nicotine. Il n’existe aucun enregistrement de l’artiste, à part une bande-son qui n’a pas été authentifiée. Dans Josep, elle parle avec la voix de la chanteuse catalane Sílvia Pérez Cruz, qui a composé la musique du film et y interprète trois rôles. Ainsi, toutes les femmes qui traversent la vie de Josep se partagent la voix d’une seule, celle qu’il a perdue à jamais dans la Retirada. L’image, fragile, vibre légèrement. Aurel ne représente pas ici la vraie Frida, mais un souvenir évaporé. Les mains de l’artiste dégoulinent de peinture bleue. Ce bleu qui reviendra à la fin, dans la partie mexicaine du film. « C’est le bleu de la Casa Azul, la maison de Frida Kahlo qui est aujourd’hui son musée. À Mexico, se souvient le réalisateur, j’ai découvert cette façade d’un bleu très profond, très beau. Pourtant, j’ai préféré l’éclaircir, pour le tirer vers une teinte plus lumineuse. » Frida Kahlo aura le dernier mot du film, la clé de cette histoire. « Le jour où, enfin, tu accepteras la couleur, alors tu auras apprivoisé tes peurs » souffle-t-elle. Josep relate une page du XXe siècle et le voyage d’un homme vers la lumière, les bras bleus de Frida Kahlo.

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°743 du 1 avril 2021, avec le titre suivant : Les bras bleus de Frida Kahlo

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